29/09/2025
Situé sur la commune de Saint-Barthélemy, Kersuguet fait partie de ces petits hameaux bretons dont on entend peu parler, mais qui réservent aux curieux bien des surprises. Discrètement posé entre les reliefs doux du pays de Baud et la vallée du Blavet, il évoque l’essence même de la ruralité morbihannaise. Ici, pas de grands monuments, mais une harmonie de pierres et de chemins creux qui parlent du passé agricole de la Bretagne, de la vie quotidienne, du rapport intime entre les habitants et leur paysage.
Au cœur du Morbihan, Kersuguet se distingue par sa situation. Le hameau s’étire le long de petites routes à faible circulation, cerné par un patchwork de prés, de haies, de bois de châtaigniers et de bosquets de noisetiers. Un bocage encore très présent, témoin d’une campagne préservée et d’une biodiversité remarquable. Au lever du jour, on peut croiser lièvre d’Europe ou chevreuil, profiter de chants d’oiseaux multiples. Un vrai banc d’essai grandeur nature pour qui aime observer la nature sans artifice.
Kersuguet compte moins d’une vingtaine de maisons. La plupart d’entre elles remontent au 19 siècle, et certaines encore antérieures. Le bâti y est de granit local, reconnaissable à ses jointoiements irréguliers et à ses encadrements de portes souvent taillés grossièrement, témoignant d’un travail manuel et modeste.
Point notable : ici, les toitures traditionnelles en ardoises rivalisent maintenant avec quelques reprises en tuiles. Les murets de pierres sèches, pour la plupart centenaires, servent encore à séparer les propriétés ou les anciens jardins de buis et de pommiers.
Si la population de Kersuguet progresse lentement — une quinzaine d’habitants seulement permanents (source : INSEE, recensement communal 2021) —, la vie rurale se maintient. Quelques exploitations agricoles subsistent tout autour.
Le rythme de vie est donc encore marqué par les saisons agricoles : passage des tracteurs, fenaisons, puis cueillette des pommes fin septembre. Un hameau vivant, bien que discret.
Kersuguet perpétue des traditions, reflet du patrimoine immatériel de la région. La fête du Pardon de Saint-Barthélemy, célébrée chaque année le dernier week-end d’août, fait traditionnellement une halte devant le calvaire du hameau. Ce moment réunit habitants et proches, autour de chants et d’un apéritif partagé, typique de la convivialité bretonne.
En marge du Pardon, la mémoire du hameau s’entretient aussi par le biais du carnet du voisinage : de petits cahiers circulent d’une maison à l’autre, regroupant anecdotes, recettes et souvenirs partagés, une tradition orale qui fait son charme propre.
Côté nature, Kersuguet attire promeneurs, cueilleurs de champignons et cyclistes en quête de calme. Le vieux chemin creux, appelé localement “le Sentier des Hérissons”, est bordé de fougères et de primevères au printemps. Il relie plusieurs bosquets où l’on peut croiser écureuils, pics épeiches ou chouettes hulottes dès la tombée du jour.
Kersuguet se situe aussi sur la trajectoire de plusieurs couloirs à chauves-souris (notamment la pipistrelle commune), protégées au niveau régional (source : Groupe Mammalogique Breton).
Ce qui frappe à Kersuguet, c’est l’absence de folklore de carte postale, et justement, c’est là l’un de ses atouts principaux. On vient ici pour ressentir la cohérence d’un paysage façonné progressivement, par des générations d’habitants parfois oubliés, mais attentifs. La beauté de Kersuguet réside dans ses détails : une porte entrouverte sur une cour fleurie, la sonnerie légère d’une cloche abritant une mésange au printemps, ou l’odeur du foin coupé, portée par le vent du soir.
Le hameau attire ainsi un petit nombre de visiteurs fidèles : botanistes, passionnés du bâti vernaculaire, amateurs de photographie ou habitants des communes voisines cherchant un peu d’authenticité sans mouvement touristique massif. Les échanges se font au hasard d’une rencontre sur le chemin, d’un panier d’œufs laissé devant une porte ou d’une discussion en fin d’après-midi sur la météo, autour du puits communal.
Selon l’inventaire du patrimoine de la région Bretagne (patrimoine.bzh), le hameau de Kersuguet figure parmi les ensembles “caractéristiques de l’évolution rurale du XIX siècle dans le Morbihan”. La qualité de conservation des bâtiments et des chemins ruraux y est soulignée, tout comme la complémentarité avec les autres sites villageois de la commune (notamment Kerhervy et Kerdréan).
De plus en plus, les petits hameaux comme Kersuguet sont mis à l’honneur dans les politiques de valorisation du patrimoine rural. Projets de restauration de murets, actions de sensibilisation à l’environnement ou ateliers du goût autour des variétés anciennes de pommes témoignent d’un renouveau. Malgré la menace de l’isolement et de la déprise agricole, la dynamique locale veut préserver l’âme du hameau tout en intégrant de nouveaux habitants venus chercher ici tranquillité et sens du collectif.
Kersuguet invite à ralentir, à observer et à se laisser surprendre. S’y attarder quelques heures, c’est comprendre combien la ruralité bretonne, loin d’être figée, continue — dans la discrétion et la simplicité — à faire battre le cœur du Morbihan.