16/11/2025

Sur les chemins creux de Kergoët : promenade à travers des paysages insoupçonnés

Oser s’aventurer dans les chemins creux : une Bretagne à hauteur d’œil

Les chemins creux façonnent depuis des siècles l’identité rurale bretonne. À Kergoët, hameau entre Saint-Barthélemy et Pluméliau, ils invitent à une immersion tout en douceur. Lorsque l’on suit ces sentiers encaissés, bordés de talus couverts de chênes, de noisetiers, parfois de houx centenaires, chaque pas révèle une nouvelle facette du Morbihan intérieur.

Kergoët n’est pas un point touristique affiché. Ici, on marche pour s’imprégner de la vie d’une campagne discrète, loin des cartes postales, mais riche en surprises. Les paysages qui s’ouvrent tout au long de ces chemins racontent l’équilibre ancien entre l’homme et la terre, entre le bocage et les grands espaces.

Panoramas et points de vue : quand le bocage s’efface

La magie des chemins creux, c’est cet instant où la voûte des branches s’ouvre et laisse place à un horizon. Autour de Kergoët, ces percées offrent de vrais moments de respiration :

  • Vers le nord : le chemin principal débouche sur de vastes prairies ouvertes, avec parfois vue, par temps clair, sur le clocher de Pluméliau, qui se détache à 4 kilomètres, au-dessus des haies basses.
  • À l’est du hameau : certains sentiers laissent entrevoir d’improbables clairières, reflets changeants au fil de la journée. À la belle saison, la lumière y évoque les tableaux d’Eugène Boudin, avec ses jeux de jaunes dorés et de verts profonds.
  • Côté ouest : on longe souvent les anciennes petites parcelles, dites « clos », typiques du bocage breton. Au détour d’un talus, le paysage s’ouvre parfois brièvement sur les vallons du Blavet, que l’on devine à l’arrière-plan, à plus de 2 km à vol d’oiseau.
  • Au sud : entre prairies fauchées et haies épineuses, quelques vues permettent d’apercevoir le bourg de Saint-Barthélemy, lové à mi-pente, et les silhouettes pointues de ses cyprès.

C’est ce contraste entre passages en tunnel végétal et points de vue dégagés qui donne tout le sel d’une balade du côté de Kergoët.

Le bocage, un paysage façonné et protégé

La trame bocagère des environs de Kergoët n’est pas due au hasard. Elle témoigne d’une longue histoire de cultures et d’élevages menés à la main, avec respect du relief et du sol. Encore aujourd’hui, près de 70% des chemins ruraux autour de Saint-Barthélemy sont bordés de haies (source : CA Morbihan). Trois éléments structurent le décor :

  • Les talus : imposantes buttes de terre, hautes de 1 à presque 2 mètres selon les endroits, couvertes de ronces et de fougères, qui abritent une faune variée – notamment la couleuvre à collier ou le hérisson d’Europe.
  • Les arbres têtards : vieux chênes ou frênes taillés de génération en génération pour fournir bois et fourrage. Certains sujets autour de Kergoët atteignent les 80 à 120 ans.
  • La mosaïque des prairies : selon la saison, elles passent du vert tendre au blond paille. Au printemps, les zones humides bordant certains chemins se parent de jonquilles sauvages et de primevères, attirant papillons et abeilles.

Cette mosaïque n’est pas seulement belle. Elle protège les sols de l’érosion, favorise la biodiversité et régule l’eau. Une enquête de Bretagne Vivante (2021) démontre que les haies et talus du Morbihan hébergent plus de 50 espèces d’oiseaux nicheurs.

Rencontres avec la vie sauvage du Morbihan intérieur

Loin des foules, la tranquillité des chemins creux de Kergoët attire une faune discrète mais variée. Au petit matin, on croise volontiers un chevreuil en bord de prairie, ou plus rarement le renard, observateur caché derrière les fourrés.

  • Les oiseaux : le chant du rougegorge, le passage vif du geai, mais aussi la hulotte qui, à la tombée du jour, anime le sous-bois. Aux abords des champs, le bruant jaune partage l’affiche avec la linotte et la fauvette à tête noire.
  • Les insectes et papillons : lors des journées d'avril à juin, il n’est pas rare d’observer le cuivré commun, voire le flambé, deux espèces menacées en Bretagne. Les libellules profitent des abreuvoirs créés par les traces de charrois, véritables petites mares temporaires.
  • Les amphibiens : en période humide, grenouilles vertes et tritons palmés trouvent refuge dans les fossés des chemins, participant à l’équilibre écologique du secteur.

Des inventaires menés par le Groupe Mammalogique Breton font état, sur le secteur de Saint-Barthélemy, de la présence de 11 espèces de chauves-souris – un record local du fait de la diversité des habitats bocagers (GMB).

Les saisons changent le visage des chemins creux

À Kergoët, tout marcheur attentif constate à quel point la lumière et les couleurs se transforment au fil de l’année. Quelques observations phares :

  • En hiver : la structure du paysage, plus dépouillée, laisse apparaître l’alignement des talus et facilite l’observation des animaux. Les chemins gardent souvent des zones boueuses, à traverser à pas prudents.
  • Au printemps : les haies reprennent vie, couvertes de fleurs d’aubépine, de prunelliers, parfois de liserons. L’exubérance des couleurs rivalise avec le chant des merles.
  • L’été : la canopée crée des portions fraîchement ombragées, prisées pour les promenades familiales. Les prairies fauchées laissent exhaler des parfums de foin.
  • L’automne : c’est le royaume des châtaignes – à ramasser sur le chemin –, des fougères rousses et des ciels changeants après la pluie. On y croise parfois le ramasseur de champignons, surtout à l’aube.

Selon le Conseil départemental du Morbihan, la longueur cumulée des chemins creux dans le département dépasse 3 000 km, mais ceux bien conservés, comme à Kergoët, sont devenus plus rares (source : Département du Morbihan).

Itinéraire conseillé : une boucle pour tous

Pour profiter pleinement des paysages, une boucle d’environ 7 kilomètres est recommandée, au départ du parking de l’ancienne école de Kergoët :

  1. Traverser le village, rejoindre le chemin creux en direction du lieu-dit Parc-ar-Groez.
  2. Bifurquer au premier carrefour vers l’est, passage ombragé par de vieux châtaigniers ; superbe vue sur le vallon de Kermorvan en cours de route.
  3. Remonter vers le nord sur 1,5 km, franchir deux talus pour rejoindre les anciennes prairies de Bellevue.
  4. Retour vers Kergoët par le chemin creux de Tossen Koad, réputé pour son alignement de frênes remarquables.

Compter 2h à 2h30 en marche tranquille, pauses comprises.

Sur ce parcours, quelques marqueurs incontournables :

  • La croix de granit de Kergoët (XVIIIe siècle)
  • Les deux fontaines anciennes, vestiges de l’ancien lavoir communal
  • Le point de vue de Bellevue, qui porte bien son nom

Entre patrimoine vivant et promesses pour demain

Les paysages des chemins creux de Kergoët ne tiennent pas seulement à leur beauté naturelle : ils dépendent aussi de gestes quotidiens. Agriculteurs, randonneurs, habitants contribuent à l’entretien des talus et au maintien des haies. Cette « co-gestion » s’est renforcée ces dernières années grâce à plusieurs initiatives locales, comme le projet « Haies Vivantes » porté par la commune de Saint-Barthélemy depuis 2022, qui prévoit la plantation de plus de 3 km de haies d’ici 2025 (source : Mairie de Saint-Barthélemy).

Marcher à Kergoët, c’est saisir, au fil des saisons, la richesse fragile d’un paysage modelé par le temps et les usages humains. C’est découvrir une Bretagne d’intérieur, généreuse, qui se livre sans bruit à qui sait lever les yeux et prendre le temps.

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