08/07/2025
Le village de Saint-Barthélemy, situé à la charnière du pays de Baud et du Blavet, porte encore les empreintes des grandes familles qui ont façonné son identité. Au fil des siècles, la vie du bourg s’est organisée autour de quelques lignées influentes—seigneurs, notables, cultivateurs de renom. Si leurs traces ne sont pas toujours évidentes à première vue, elles surgissent dans les archives, les pierres, et parfois dans la mémoire collective.
À partir du Moyen Âge, la famille de Kerviler apparaît comme l’une des figures majeures du secteur. Installée dans le manoir du même nom (manoir de Kerviler, situé au nord du bourg), elle joue un rôle structurant dans la vie religieuse et sociale. Plusieurs de ses membres sont mentionnés dans des actes de donations à la paroisse ou à l’ancien prieuré, ainsi que dans la gestion des terres environnantes. En 1536, Pierre de Kerviler est cité comme "seigneur du lieu noble de Kerviler" dans le répertoire du diocèse de Vannes (source : Archives diocésaines de Vannes).
Le blason de la famille, avec ses trois étoiles d’argent sur fond d’azur, figure encore sur une vieille clef de voûte dans l’église paroissiale.
Les Le Saux (souvent orthographiés “Lesaux” dans les vieux registres) disposaient de quelques droits seigneuriaux sur la portion est de la commune, notamment à Callac. On retrouve leur nom sur plusieurs actes notariés—successions, ventes de terres lacérées pendant les troubles de la Révolution française (source : Archives départementales du Morbihan).
Autre lignée discrète mais persistante : les Le Prat. Présents depuis le 18 siècle à La Grannec, ils deviennent l’un des piliers de l’histoire agricole locale. Le cadastre de 1829 mentionne Pierre Le Prat, “propriétaire cultivateur”, à la tête de plus de 24 hectares, soit une des plus grandes exploitations du canton. À travers les générations, plusieurs Le Prat siègent au conseil municipal (cahier d’histoire locale de Saint-Barthélemy, édition 1985).
Cette famille incarne ce que furent, pour de nombreux villages morbihannais, les notables ruraux : à la fois innovateurs, relais locaux de la modernité, et mainteneurs des traditions.
Les Eveno, origine du lieu-dit du même nom, ont laissé une marque particulière par leur implication dans l’école communale. Au début du XX siècle, Jean-Marie Eveno, modeste charpentier, devient maire de Saint-Barthélemy (mandats : 1912-1919 puis 1923-1925, voir “Bulletin Municipal”, mairie de Saint-Barthélemy).
Si Jean-Marie Eveno n’était pas issu d’une lignée noble, son action donne l’exemple de la mobilité sociale et de l’engagement local du début du XX siècle.
L’auberge “Chez Abgrall”, aujourd’hui disparue, fut pendant près d’un siècle le centre névralgique du bourg. Les archives précisent que la famille s’installe dans le bourg en 1847, venue du Finistère voisin. Pierre Abgrall, puis son fils François, y tiennent boutique, relais poste et salle de bal jusqu’en 1929 (voir “Mémoire de Saint-Barthélemy”, Jean Le Guern, 2005).
L’humilité de la vie rurale n’efface pas le poids d’une telle famille dans l’animation et la sociabilité locale : un exemple de la façon dont un lieu et un nom peuvent être intimement liés.
La forge Le Guen, toujours visible à l’entrée du bourg, a vu défiler plusieurs générations d’artisans depuis les années 1860. Pierre Le Guen, puis son fils Joseph, ont servi des dizaines de cultivateurs du secteur, façonnant une activité vitale pour la commune. Notée dans le “Dictionnaire des métiers anciens du Morbihan” (éd. Coop Breizh, 1992), cette famille incarne le passage d’un savoir-faire à l’autre, puis à la conservation patrimoniale.
Dans ce type de famille, se mêlent amour du métier, transmission et enracinement dans la commune.
Au-delà des actes officiels ou des élus, plusieurs familles d’ouvriers, tisserands ou simples métayers laissent un héritage plus diffus : les Coguic, les Le Floc’h, les Dréano. Même si leur histoire est plus discrète, elle subsiste dans les noms de lieux-dits (le village de Dréano, la fontaine Le Floc’h) ou dans certains usages encore racontés (coutumes liées à la moisson).
Saint-Barthélemy, comme beaucoup de petites communes morbihannaises, s’est retrouvée transformée par plusieurs vagues d’exode rural, puis d’arrivée de nouveaux habitants. Si les grandes familles dominantes du passé (Kerviler, Le Prat, Abgrall) ont vu leur influence s’estomper, elles ont souvent transmis un sens du collectif et de l’ancrage local. L’identité de la commune s’est enrichie d’apports différents, créant une mosaïque où chaque nom, chaque lignée, contribue à écrire la suite de l’histoire.
Il n’existe pas d’ouvrage entièrement consacré à l’histoire des familles de Saint-Barthélemy, mais plusieurs ressources permettent d’approfondir :
Chacun peut retrouver ici, dans les pierres, les chemins, ou les récits transmis, des fragments d’histoires familiales. Si des noms anciens sont peu à peu oubliés, leur héritage imprègne la vie quotidienne : de l’école à la coopérative, du marché au club de foot, la mémoire locale continue de vivre, portée par celles et ceux qui aiment ce coin du Morbihan.