26/06/2025

Saint-Barthélemy à l’heure de la Révolution : entre bouleversements et résistances

Plonger dans l’Histoire révolutionnaire de Saint-Barthélemy

Au détour des chemins du Morbihan, l’Histoire imprime souvent sa marque discrète dans les bourgs paisibles comme Saint-Barthélemy. Mais que s’est-il vraiment passé ici, à l’époque troublée de la Révolution française (1789-1799) ? Sans chercher à rivaliser avec les agitations des grandes villes, la commune a pourtant vécu à sa manière les secousses de cette décennie inédite. Ce récit s’appuie sur les archives départementales du Morbihan, les recherches du Patrimoine de Bretagne, et les études locales publiées notamment par la Société Polymathique du Morbihan.

Voici l’essentiel à retenir, entre faits vérifiés et petites histoires qui témoignent du souffle parfois tempétueux de la Révolution jusque dans nos villages.

1790 : Le nouveau visage administratif de la commune

La première grande secousse ressentie à Saint-Barthélemy est d’abord administrative.

  • En 1790, la commune de Saint-Barthélemy voit officiellement le jour, au même titre que des milliers d'autres en France.
  • Elle s’inscrit alors dans le nouveau département du Morbihan, découpé en districts et en cantons pour remplacer les anciennes paroisses.
  • À la tête de la commune : un conseil municipal élu par les “citoyens actifs” (en priorité les hommes payant un certain impôt), chargé de collecter les contributions, gérer les biens communaux et organiser la vie locale.

Le premier maire dont le nom apparaît dans les registres d’archives s’appelle Jean-Baptiste Ollivier, élu dès cette année-là. Son principal défi : composer avec la population, souvent attachée aux anciennes traditions, et appliquer des directives parfois mal comprises.

Les effets de la Constitution civile du clergé

La Révolution ne touche pas seulement les institutions : elle se heurte à la vie religieuse, particulièrement sensible en Bretagne. La Constitution civile du clergé (12 juillet 1790) oblige les prêtres à prêter serment à la République.

  • À Saint-Barthélemy, l’abbé de la paroisse refuse le serment. Comme près de 80 % des prêtres bretons (source : Archives départementales du Morbihan), il se range parmi les “réfractaires”.
  • Ce refus provoque la fermeture temporaire de l’église. La messe se célèbre en cachette, souvent dans les fermes alentour.
  • Un prêtre “assermenté” (ayant accepté la nouvelle légalité) tente d’officier à la place, mais rencontre la défiance des fidèles.

Les tensions sont parfois vives, mais les actes de violence restent rares sur la commune. On note cependant plusieurs épisodes de dénonciations, dont celle d’un fermier surpris en train de cacher un prêtre, en l’an II (1794).

La levée en masse et l’onde de choc de la guerre de Vendée

Au printemps 1793, la situation s’envenime avec la levée en masse décrétée par la République pour faire face aux invasions et aux guerres de l’Ouest.

  • À Saint-Barthélemy, une vingtaine de jeunes hommes sont mobilisés (chiffre avancé par la Liste de recensement de 1793). Beaucoup cherchent à s’y soustraire, fuyant parfois “dans les bois” ou rejoignant les rangs royalistes voisins.
  • Les rebelles royalistes, actifs dans le Morbihan, trouvent un certain soutien parmi les habitants, entrainant perquisitions et arrestations ponctuelles dans la commune.
  • Un épisode symbolique intervient en octobre 1794 : une patrouille républicaine arrête deux “compagnons de la chouannerie” cachés dans une longère près du hameau du Lopriac (acte repris dans le Registre des délibérations municipales).

La peur n’est jamais loin, mais l’insurrection prend moins d’ampleur à Saint-Barthélemy que dans les cantons limitrophes, plus proches des foyers actifs de la chouannerie, comme Pontivy ou Baud.

Des biens de l’Église confisqués et… dispersés !

La Révolution met la main sur les propriétés de l’Église, déclarées “biens nationaux” dès 1789. Cela a des conséquences concrètes à Saint-Barthélemy.

  1. Les terres du presbytère et plusieurs parcelles appartenant au chapitre de Vannes sont confisquées.
  2. Une vente aux enchères a lieu sur la place du bourg en janvier 1792.
  3. Des familles locales acquièrent alors de petites surfaces, parfois pour “une bouchée de pain” : un acte de vente de 1792 atteste qu’un lot de 3 hectares au “clos de la Hutte” a changé de main pour l’équivalent de 42 livres, soit moins de deux semaines de salaire d’un artisan.
  4. Certains biens visibles aujourd’hui – longères, moulins désaffectés – doivent leur propriété à cette grande redistribution révolutionnaire.

Quelques archives évoquent des litiges sur la délimitation de ces terres et le partage des bois communaux, un conflit qui opposera parfois voisins et familles pendant plusieurs années (sources : Archives départementales du Morbihan, série Q).

La vie quotidienne entre rationnements et solidarité

La période n’est pas seulement faite de discours et de batailles politiques. Pour les familles de Saint-Barthélemy, la Révolution se vit aussi à l’échelle du quotidien.

  • Le prix du pain s’envole entre 1793 et 1795 : la livre de pain ferme dépasse parfois les 18 sous, mettant les ménages les plus modestes en difficulté (source : Chronique du Morbihan, 1793-94).
  • La municipalité doit organiser la redistribution de grains confisqués à certains presbytères ou stockés d’office, pour éviter les pénuries.
  • Les “fêtes de la Fédération” (14 juillet) sont célébrées, dans des versions locales et modestes : arbres de la liberté plantés sur la place du bourg, distribution de pain, guirlandes en papier faites par les enfants.

Au fil des années, plusieurs témoignages recueillis par des historiens locaux soulignent une forte solidarité : la fabrique (association paroissiale) distribue aide et blé aux veuves des mobilisés, tandis que les notables versent parfois des dons anonymes pour éviter la ruine à certains métayers.

Petites anecdotes et figures locales durant la Révolution

Chaque commune a ses personnages de légende. Saint-Barthélemy ne fait pas exception. Quelques figures ressortent au fil des archives :

  • Jean-Baptiste Ollivier, premier maire, artisan-tisserand, qui aurait caché sous une des poutres de son grenier l’argenterie de l’ancienne église pour éviter sa saisie (archives orales, transmises par la Société Polymathique du Morbihan).
  • Marie Le Bris, sage-femme, connue pour avoir organisé la fuite de plusieurs “prêtres réfractaires” vers Auray, en les passant par les sentiers de Coatduff.
  • Un surnommé “La Fougue”, meunier du moulin du Rouzic, ayant refusé de moudre le blé destiné aux troupes républicaines – ce qui lui valut plusieurs jours de détention au printemps 1795.

Si la postérité historique retient les “grands hommes”, beaucoup d’actes héroïques, modestes mais marquants, se sont joués ici dans l’ombre.

Les traces toujours visibles dans le bourg

Aujourd’hui, certains lieux racontent encore à leur manière les heures révolutionnaires à Saint-Barthélemy.

  • L’arbre de la Liberté d’origine, planté en 1792, a disparu – mais une stèle rappelle son emplacement sur la placette près de l’ancienne école.
  • Le presbytère actuel conserve dans sa cave des pierres gravées aux initiales de l’ancien curé réfractaire, selon la mémoire locale.
  • Le cadastré de 1811 fait encore apparaître la répartition des biens nationaux, avec des microparcelles héritées de la redistribution révolutionnaire.
  • Plusieurs sentiers de traverses portent encore dans la toponymie les “chemins des prêtres” ou “de la chouannerie”, mémoire ténue de la clandestinité d’alors.

Rien de spectaculaire : mais à qui veut regarder, ces lieux parlent, à voix basse, de cette époque où la vie du village a vacillé, puis retrouvé son équilibre.

Pour aller plus loin : sources et itinéraires de découverte

Pour ceux que ces traces intriguent ou passionnent, voici quelques pistes complémentaires, tant pour approfondir que pour flâner le nez au vent :

  • Archives départementales du Morbihan (série L et Q) : consultation possible des actes de vente, délibérations municipales, listes de conscription (accès libre à Vannes ou sur le portail en ligne).
  • Société Polymathique du Morbihan : nombreux travaux et bulletins, notamment sur la chouannerie et la vie paroissiale durant la période.
  • Randonnée sur les traces du XVIIIe : le circuit “Sentiers de la Révolution”, balisé entre le bourg et le hameau du Lopriac, accessible à pied ou à vélo.
  • Pour mieux comprendre le contexte régional : Bretagne.bzh – Dossier Révolution en Bretagne

À Saint-Barthélemy, la Révolution ne fut pas une page tournée à la hâte, mais un chapitre dont les échos, discrets mais tenaces, se laissent deviner dans le tissu du village, à qui sait écouter et regarder.

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