23/06/2025

Les mille visages de Saint-Barthélemy : voyage dans l’histoire des noms d’un village du Morbihan

Saint-Barthélemy : un nom, plusieurs histoires

L’identité d’un village se tisse au fil de ses chemins, de ses pierres, et parfois… de ses noms. Saint-Barthélemy, ce petit bout de Morbihan, n’a pas toujours porté le même nom qu’aujourd’hui. À travers les époques, son appellation a évolué, reflétant tantôt l’influence d’un saint chrétien, tantôt celle de l’administration, parfois même des erreurs de plume ou des nécessités pratiques. Plonger dans l’histoire des changements de nom de Saint-Barthélemy, c’est entrer dans les coulisses d’une commune discrète mais fascinante, où chaque détail raconte un pan de la Bretagne intérieure.

D’où vient le nom Saint-Barthélemy ?

La commune de Saint-Barthélemy tient son nom du saint apostolique Barthélemy, disciple du Christ, dont la fête est célébrée le 24 août dans le calendrier catholique. C’est autour de l’église paroissiale, placée sous son vocable, que le bourg s’est développé au fil des siècles. Mais avant de s’appeler ainsi, le territoire a connu différentes appellations, plus ou moins officielles.

  • Au Moyen Âge, le territoire dépendait de la paroisse de Baud, et ne possédait pas encore de nom propre au sens administratif.
  • Au XVII siècle, lors de la création de la paroisse, on retrouve trace du nom « Saint-Barthélemy » dans les registres ecclésiastiques.
  • Après la Révolution, la commune est officiellement créée en 1850 par détachement de Pluméliau, sous le nom de « Saint-Barthélemy » (source : Archives départementales du Morbihan).

Quand la révolution s’empare des noms

La Révolution française (1789-1799) a bouleversé bien des choses dans la géographie de la France, et entre autres, la façon de nommer les lieux. Le vent révolutionnaire a effacé tout ce qui rappelait le passé religieux : les saints, les croix, les symboles. On a rebaptisé des centaines de collectivités.

  • Saint-Barthélemy n’a, semble-t-il, pas subi de changement de nom radical pendant la Révolution. Cela l’a distinguée de nombreuses autres communes, comme Sainte-Anne-d’Auray qui devint “Keranna”.
  • Cependant, dans les registres d’état-civil du début du XIX siècle, on retrouve parfois le nom sous la forme abrégée « Barthélemy » ou même « Le Barthélemy » (Source : Archives communales).

À l'époque, beaucoup de communes bretonnes perdirent ou modifièrent leur « Saint- » pendant quelques années, avant de le retrouver lorsque l’ordre ecclésial fut rétabli sous Napoléon.

L’essor des dénominations administratives et postales au XIX siècle

Au XIX siècle, la France se dote d’un cadastre moderne, d’un état civil généralisé, et d’une organisation administrative de plus en plus précise. C’est aussi l’époque où les postes se structurent. Or, en France, les “Saint-Barthélemy” ne manquent pas !

Au moins 17 communes françaises portent aujourd’hui le nom “Saint-Barthélemy” selon l’INSEE (voir la liste officielle), auxquelles s’ajoutent des hameaux, des quartiers, ou des anciennes paroisses disparues.

Pour éviter les confusions, différents systèmes de “complément de nom” ont été mis en place :

  • Ajout d’un suffixe géographique (“Saint-Barthélemy-d’Anjou”, “Saint-Barthélemy-le-Meil”…).
  • Utilisation du nom du département dans les courriers officiels (“Saint-Barthélemy - Morbihan”).
  • Numérotation de la commune à l’époque où il fallait éviter les doublons sur les listes électorales ou postales.

De manière informelle, jusqu’au début du XX siècle, Saint-Barthélemy du Morbihan s’est parfois vue appelée “Saint Barthélemy sous Baud” ou “Saint-Barthélemy près Pluméliau”, en raison de sa proximité avec ces deux bourgs plus célèbres et de son appartenance historique à la paroisse-mère.

Petites histoires et erreurs sur le nom Saint-Barthélemy

Avec des noms aussi répandus, les confusions n'ont jamais manqué. Voici quelques anecdotes relevées dans les archives et la presse locale :

  • Erreur de commune : En 1928, le journal “Le Nouvelliste du Morbihan” relate que plusieurs courriers destinés à la mairie de Saint-Barthélemy (56) ont été expédiés… à Saint-Barthélemy-d’Anjou (49), à plus de 200 km. La faute à l’absence de précisions postales.
  • Nom supprimé des affiches électorales : Dans les années 1880, certaines listes de candidats départementaux ne précisaient que “Saint-Barthélemy”, alors que les électeurs de Mayenne ou de l’Ardèche avaient, eux aussi, leur commune éponyme.
  • "Saint Bart" : Dès les années 1990, et surtout avec l’essor d’Internet, la confusion a grandi avec… la fameuse île antillaise ! Certains moteurs de recherche mélangeaient allègrement les deux destinations, au grand amusement des locaux et au désarroi des vacanciers égarés en ligne.

Pourquoi la commune a-t-elle gardé son nom “simple” ?

On peut se demander pourquoi Saint-Barthélemy (Morbihan) n’a pas adopté, comme tant d’autres villages, un nom “composé” pour affirmer sa singularité. Plusieurs raisons l’expliquent :

  1. Attachement à la tradition : Depuis la création officielle de la commune en 1850, les habitants tenaient à garder ce nom hérité de la paroisse. Pas question d’en changer pour se distinguer des autres “Saint-Barthélemy” ! C’est un sujet que l’on retrouve dans les délibérations municipales du début du XX siècle (Source : Archives communales).
  2. Poids de l’identité religieuse : Le vocable du saint patron représentait une fierté locale, notamment lors des pardons et processions annuelles. Ajouter un "près Baud" ou "d’en Bas" aurait été perçu comme une dilution du symbole.
  3. Contexte administratif : La faible taille et le rayonnement limité de la commune rendaient inutile, à l’époque, une différenciation par le nom. L’ajout d’un suffixe aurait surtout perturbé voisins et anciens habitants.

Un nom, des évolutions subtiles : les variantes et usages locaux

Même sans changement officiel, la façon de nommer le village a évolué avec le temps et selon les contextes.

  • En breton : Le nom de la commune se dit Barthelemi ou plus rarement Parz Bartelemi (source : Office public de la langue bretonne), tout simplement.
  • Surnoms : Les habitants parlent parfois du “bourg de Barthélemy” pour désigner le centre, ou “l’église de Saint Barth” dans la conversation familière.
  • Sur les panneaux : Jusqu’aux années 1970, la signalétique routière affichait “St.Barthélemy” pour gagner de la place. Depuis, l’orthographe complète a été rétablie, mais on trouve encore sur de vieux trajets des restes de cette abréviation.
  • À la Poste : Pour éviter les erreurs, il est courant d’ajouter “(Morbihan)” dans l’adresse, dans les courriers officiels ou privés.

Le projet – avorté – de changement de nom en 2010

Un épisode méconnu date des années 2010 : face à la volonté de plusieurs communes françaises d’ajouter un “complément” à leur nom pour faciliter leur distinction sur le web et dans l’administration, l’idée est née, ici aussi, d’un “Saint-Barthélemy-du-Blavet” ou “Saint-Barthélemy-en-Morbihan”.

  • La réflexion a donné lieu à une consultation informelle auprès des habitants, mais la proposition a très vite été abandonnée. Personne – ou presque – n’y tenait vraiment. “Pourquoi compliquer, on a toujours été Saint-Barthélemy ici”, rapporte un élu de l’époque dans le journal Ouest-France (édition du 15 avril 2011).

Aujourd’hui, seule la base officielle des codes INSEE – 56159 pour Saint-Barthélemy (Morbihan) – garantit qu’il n’y a pas erreur d’aiguillage. Mais dans le quotidien, sur la mairie ou à la salle des fêtes, on écrit toujours “Saint-Barthélemy”, dans toute la simplicité et la continuité du geste.

Ce que dit l’histoire : donner un nom, c’est écrire son identité

Derrière les hésitations, les doublons et les corrections, l’histoire du nom de Saint-Barthélemy (56) raconte bien plus qu’une affaire de registre. C’est le fil d’une identité locale, tranquille mais tenace, qui n’a pas cru nécessaire de jouer la différence à tout prix.

Cela n’a pas empêché la commune de s’inscrire dans le temps, d’inspirer attachement et sens de la transmission. Aujourd’hui, le nom continue d’accompagner la vie du bourg et de ses alentours, discret mais solide. Une singularité à sa façon : celle de la fidélité, dans un monde où les appellations changent au gré des modes, des administrations, ou du web.

Le prochain chapitre est à écrire. Peut-être que, dans un siècle ou deux, une nécessité ou une initiative viendra ajouter un trait d’union, une note ou un mot. Mais aujourd’hui, il reste ce nom simple, reconnaissable, qui relie passé et présent.

Sources principales :

  • Archives départementales du Morbihan (registres paroissiaux et communaux)
  • INSEE : liste des communes françaises
  • Office Public de la Langue Bretonne
  • Articles Ouest-France (2010-2011), Le Nouvelliste du Morbihan (années 20-30)
  • Base officielle de l’administration française

Pour aller plus loin