01/07/2025

Histoires et origines des noms des hameaux de Saint-Barthélemy

La toponymie bretonne : une langue qui marque la terre

Beaucoup de noms de hameaux bretons portent la trace de la langue bretonne. À Saint-Barthélemy, cette influence se lit surtout dans l’utilisation de préfixes typiques comme « Ker- », « Lann- », ou « Bot- ». Voici quelques clés de lecture :

  • Ker- : signifie « village » ou « maison » en breton. On le retrouve par exemple dans Kernaud ou Kermarquer.
  • Lann- : fait référence à une lande ou un lieu consacré, souvent lié à une fondation religieuse. Exemples : Lann Guerne.
  • Bot- : du breton « bod », qui veut dire « demeure » ou « résidence ». Par exemple : Bot Roch.
  • -el, -ec, -er : des suffixes qui désignent souvent des propriétés ou des familles (ex. Bourgerel).

La présence de ces préfixes rappelle l’importance de la langue bretonne, parlée dans la région jusqu’au début du XX siècle. Autour de 1900, selon les chiffres de Pierre Le Roux (Les noms de lieux du Morbihan, 2008), près de 60 % de la population du pays de Pontivy – dont Saint-Barthélemy fait partie – était encore bretonnante.

Familles, fermes et patrimoine : les origines familiales des noms

De nombreux hameaux ont hérité leur nom d’anciennes familles installées sur place. Au fil des siècles, la propriété d’un lieu donnait son nom au lieu lui-même :

  • Bourgerel : Nom probable d’une famille (Bourgerel ou Bourgerin, source : Généanet). Il s’agit souvent d’un patronyme ancien, marqué par sa terminaison en « -el », typique des diminutifs bretons.
  • Kerléan : Ce nom signifie la « maison de Léon » (de l’ancien prénom breton Leán ou Léon). Beaucoup de « Ker- » sont ainsi rattachés à un prénom ou un nom de famille.
  • Kernéguez : Là aussi, un nom breton d’origine familiale qui pourrait venir de la racine « guez », signifiant noble, ou d’un nom de personne. Kernéguez se lit donc comme la « maison de Guez ».

Cette logique patrimoniale se retrouve dans d’autres communes du Morbihan. Les terres appartenaient souvent aux mêmes familles sur plusieurs générations, ce qui expliquait la persistance des noms bien après la disparition de la maison d’origine.

Quand la géographie laisse sa marque

Une bonne part des noms de hameaux provient aussi de la description physique du paysage : on nomme en fonction de la topographie, des végétaux ou des points de repère. À Saint-Barthélemy, plusieurs hameaux en témoignent :

  • Le Val : Nom simple, qui désigne directement une vallée ou un bas fond.
  • Bot Roch : Associe « bot » (demeure) à « roch », la roche. Il s’agit donc du « logis près de la roche », peut-être en référence à un affleurement rocheux marquant le paysage.
  • Lann Guerne : Littéralement « lande du moulin ». On y lit la trace de l’implantation d’un moulin, activité essentielle pour le village dans tout le Morbihan rural (source : Archives départementales du Morbihan).

Les noms décrivant la géographie permettaient d’identifier rapidement les lieux avant l’usage généralisé des adresses postales. Ils répondaient à un besoin concret : savoir où on allait, ce qu’on y trouvait, ou simplement qui y habitait.

Les hameaux majeurs de Saint-Barthélemy : Origines, variations et anecdotes

  • Kernaud
    • Forme dominante : « Ker- » + « Naud » (diminutif de « Arnaud » ou possible adaptation d’un prénom local, source : Le Dictionnaire des Noms de Lieux de Bretagne, Albert Deshayes).
    • Au XIX siècle, zone de confluence de deux paroisses. La tradition orale locale fait de ce hameau un ancien point de passage pour les bateliers entre Saint-Barthélemy et Baud.
  • Bourgerel
    • Second hameau en nombre d’habitations après le bourg principal. La carte de 1833 (source : Carte de l’état-major) mentionne déjà ce nom, preuve de son antériorité.
    • Au XX siècle, le hameau accueille la première école communale « hors-bourg » (témoignage issu du registre municipal de 1904).
  • Kermarquer
    • Le nom indiquerait la « maison du chevalier (marc’heg en breton) ». Plusieurs lieux-dits Kermarquer existent dans le Morbihan. Cela pourrait signaler ici la présence d’un propriétaire notable à une époque féodale (source : A. Deshayes).
    • Une fontaine ancienne, dite « fontaine Saint-Armel », atteste du peuplement reculé du secteur.
  • Le Val
    • Le hameau s’est développé dans une petite dépression, directement sur un bras secondaire du Blavet (source : Cadastre napoléonien, 1810-1830).
    • Selon les anciens, on y trouvait de nombreux pommiers à cidre, ce qui témoignait d’une activité agricole diversifiée.
  • Lann Guerne
    • Nom formé sur « lande » (lann) et « guern » (moulin), puis francisé en Guerne. Ce moulin, disparu, est déjà absent des recensements du début XX siècle.
    • Zone propice à la culture du seigle jusque dans les années 1950 (source : Enquête INRA 1965 sur l’agriculture du Morbihan).
  • Bot Roch
    • Daté sur certaines cartes dès le XVIII siècle. Le terme désignait probablement une ferme construite sur un affleurement rocheux.

Des hameaux qui n’ont pas changé de nom (ou presque) : stabilité et évolution

Les hameaux de Saint-Barthélemy étonnent par la stabilité de leurs noms, parfois inchangés depuis deux siècles au moins (vérifiable sur le cadastre napoléonien et les cartes de Cassini). Un phénomène rare, car beaucoup de communes bretonnes ont connu des francisations ou des modifications orthographiques dans les années 1830-1900.

  • La graphie « Ker- » est restée en l’état, quand d’autres communes sont passées à « Quer- » ou « Cher- ».
  • L’orthographe de Kermarquer ou Kerléan n’a pas varié malgré la pression de la francisation (voir travaux de F. Gourvil sur la toponymie bretonne, 1957).

Cette stabilité s’explique par le relatif isolement de Saint-Barthélemy et la faible pression démographique jusqu’aux années 1970. La tradition orale et le maintien d’une identité forte au sein des familles ont sans doute protégé la microtoponymie locale.

Pourquoi tant de hameaux en Bretagne ? Rôle historique dans l’habitat rural

Saint-Barthélemy, comme toute la Bretagne intérieure, s’est structurée à partir d’anciennes « trêves » (paroisses secondaires) et de hameaux dispersés. Au milieu du XIX siècle, la commune comptait une vingtaine de hameaux contre seulement six écarts habités en 2024 (source : INSEE, recensement 2021).

  • Chaque nom de hameau correspond souvent à une ferme principale, des terres attenantes, et les logis de journaliers ou domestiques.
  • La structure bocagère (haies, chemins creux), typique du Morbihan central, favorise l’isolement et le maintien de ces petits foyers d’habitat.
  • Les hameaux servaient autrefois à répartir les terres, faciliter l’accès à l’eau, et éviter les concentrations humaines qui épuisaient le sol commun (source : « Paysans bretons d’Armorique », J.-C. Meuret).

Si aujourd’hui certains hameaux ne comptent plus que quelques maisons, leur nom perpétue une façon d’habiter et de penser le territoire, qui fait la richesse humaine de Saint-Barthélemy.

À la découverte : comment explorer ces toponymes aujourd’hui ?

  • De nombreux anciens panneaux de bois subsistent, parfois écrits en breton sur les dépendances.
  • Il est possible de retrouver les anciens tracés cadastraux sur le site des Archives départementales du Morbihan.
  • La balade entre Kermarquer, Kernéguez et Kernaud offre un résumé parfait des motifs bretons dans la toponymie.
  • Des journées du patrimoine local incluent des parcours guidés sur le thème de la toponymie rurale (voir les programmes de la médiathèque départementale du Morbihan).

Les noms, reflets vivants d’une mémoire rurale qui perdure

Comprendre d’où viennent les noms des hameaux de Saint-Barthélemy, c’est renouer avec des gestes familiers : nommer la maison, désigner la terre, parler le breton ou le gallo, transmettre l’histoire de génération en génération. Sous les appellations apparemment figées, c’est tout un monde rural qui continue de tisser son identité, à pas feutrés, entre campagne et mémoire. Demain, ces noms résonneront encore, portés par le vent ou gravés sur une vieille pierre. À qui sait les écouter, ils racontent le vrai visage de Saint-Barthélemy, entre histoire et quotidien partagé.

  • Pour aller plus loin : Toponymie du Morbihan (WikiMorbihan)
  • « Les noms de lieux du Morbihan », Pierre Le Roux, 2008
  • « Dictionnaire des Noms de Lieux de Bretagne », Albert Deshayes, 2003

Pour aller plus loin