19/06/2025
Si l’on feuillette les vieux registres, Saint-Barthélemy n’a pas toujours porté ce nom. Au Moyen Âge, on trouve des mentions de « Sanctus Bartholomaeus », comme l’atteste un acte du Cartulaire de l’Abbaye de Redon (source : Archives départementales du Morbihan). À cette époque, les paroisses prenaient souvent pour patron un saint populaire, et Barthélemy était alors vénéré à travers l’Ouest breton.
Le nom connaît diverses formes au fil des siècles : « Saint-Barthélémy » (avec un accent difficile à trancher selon les notaires du XVIIIe siècle), « Saint-Barthélemy de Baud » (pour la distinguer des autres homonymes), jusqu’à l’appellation actuelle, enregistrée au XIXe siècle lors de la réorganisation cantonale (source : Dictionnaire historique des communes du Morbihan, Flohic éditions). Ce changement fait écho au découpage administratif imposé à la Révolution, qui bouscule frontières et patronymes locaux.
Ces variations ne sont pas anecdotiques : elles rappellent à quel point l’identité du village fut mouvante, tiraillée entre territoire d’église, dépendance de la châtellenie de Baud, et affirmation d’une communauté rurale singulière. Encore aujourd’hui, les anciens parlent parfois de « la Barthélemy ».
La période révolutionnaire secoue le cœur de Saint-Barthélemy, comme une grande partie du Morbihan. La commune, dotée de son « comité de surveillance » dès 1791, doit prêter serment à la Constitution – un sujet de tensions avec le clergé local, réputé fidèle à Rome (source : Archives paroissiales de Saint-Barthélemy, consultables en mairie).
La Terreur prend fin, laissant la communauté divisée, mais épargnée des grandes violences des villes voisines comme Locminé ou Baud. L’après-Révolution marque le retour progressif du culte, accompagné de la reconstruction du lien social, largement orchestré par les familles notables du village.
En 1939, la mobilisation bouleverse la vie des familles barthéléméennes. Plus de 27 hommes sont recensés mobilisés selon les listes communales de mairie (source : Archives municipales, Saint-Barthélemy). La commune, rurale, voit traverser des réfugiés bretons de l’est et du nord pendant l’Exode de juin 1940.
Quelques événements marquants durant l’Occupation :
Au-delà de la résistance, de la solidarité familiale et des réseaux villageois, les traces matérielles de la guerre restent modestes. Pourtant, la mémoire des barthéléméens est riche d’histoires transmises, tout particulièrement autour des années 1944-45, lorsque la libération approche.
La commune est constellée de hameaux dont les noms intriguent : Kerhevo, Kerberno, Kerguiry, Poulguin, Poulhiou, etc. Ces toponymes sont pour la plupart d’origine bretonne – « ker » signifiant « village » ou « maison » ; « poul » évoquant un étang, une mare, une source.
Certains hameaux gardent la trace d’une fonction ancienne : Kermathé (« village du prêtre »), Manéguen (« colline blanche »)… Cette toponymie, transmise de génération en génération, étoffe la carte de la commune d’un tissage de récits, parfois effacés sur les cartes modernes.
L’église dédiée à saint Barthélemy, édifiée à l’origine au Moyen Âge, est plusieurs fois remaniée. Les parties les plus anciennes (XIVe siècle) sont encore visibles sur le mur sud du chœur, selon l’inventaire du Patrimoine (source : Base Mérimée, ministère de la Culture).
À noter la présence d’un baptistère du XVIIe siècle, remarquable par ses motifs naïfs animaux, probablement façonnés par des artistes locaux, ainsi qu’un retable baroque classé, abritant encore aujourd’hui la statue du saint patron.
Pendant des siècles, la vie locale est structurée autour de quelques familles : les Le Mat, Guégan, Berhault, et Le Corre sont attestées dans la plupart des actes notariés entre XVIIe et XIXe siècles (source : Registres paroissiaux, Archives du Morbihan).
Ces lignées sont à la fois porteuses de l’histoire écrite et orale, et leurs descendants sont très présents dans les commémorations et la mémoire locale, parfois aussi dans le conseil municipal d’aujourd’hui.
Le recensement de 1856 donne un aperçu frappant : la commune compte alors 1106 habitants, disséminés dans près de 30 hameaux. La majorité vit en auto-subsistance, cultivant blé noir, pommes de terre, seigle ; l’élevage porcin et bovin complète l’économie familiale (source : Statistique agricole du Morbihan, 1857).
Quelques marques du quotidien rural :
La cohabitation entre breton et français rythme la vie éducative et religieuse, et le paysage se partage alors entre landes (gagnées sur la forêt), talus de pierres, et prairies drainées par les ruisseaux d’amont de l’Ével.
Saint-Barthélemy conserve plusieurs témoins de son passé médiéval :
Peu de traces écrites subsistent, mais la tradition orale fait remonter les origines du vieux puits central à un « seigneur des landes » du Moyen Âge, dont le nom s’est perdu dans les limbes du récit populaire.
La commune a ses légendes, racontées lors des festoù-noz ou en famille. Une des plus tenaces évoque la « Pierre du diable » à Kerguiry, rocher erratique que les anciens disaient venir de la main du diable, furieux d’avoir perdu un pari contre le patron du bourg.
On raconte aussi l’histoire d’une vouivre (serpent mythique) vivant dans un des étangs disparus du hameau de Manéguen, veillant sur un trésor enfoui « sous trois chênes et trois pierres plates ». Ces histoires, recueillies par Anatole le Braz (« Légendes de la mort », 1902) ou encore dans les notes du folkloriste Ernest Bessin, demeurent des morceaux précieux de la mémoire locale.
Derrière la discrétion de Saint-Barthélemy, des siècles de passions rurales, de résistances têtues et de traditions orales demeurent vivaces. Les pierres des hameaux racontent mille petites histoires, des changements de noms aux veillées d’autrefois, en passant par les témoins silencieux de la guerre. La commune n’a pas fini de livrer ses secrets à celles et ceux qui aiment prêter l’oreille aux récits oubliés, ou simplement flâner sur ses sentiers chargés de souvenirs.
Pour aller plus loin :