09/12/2025

La vallée du Blavet, poumon discret et précieux du Morbihan

Le Blavet : une artère vivante du Morbihan

Avec ses 148 kilomètres de cours d’eau, le Blavet relie le centre breton à la mer. Plusieurs affluents, dont l’Evel ou la Sarre, alimentent son bassin versant, qui s’étend sur plus de 1 300 km² (source : Syndicat du Bassin du Blavet). Ce réseau, ce n’est pas qu’une réserve d’eau douce : il irrigue la vie, bien au-delà des rives.

  • Nappes et zones humides : La vallée du Blavet remplit un rôle crucial dans la recharge des nappes phréatiques et la préservation des zones humides. Ces dernières freinent les crues et filtrent naturellement l’eau.
  • Corridor écologique : Le Blavet tisse une toile d’habitats naturels en reliant marais, forêts, haies bocagères et prairies, offrant ainsi une continuité précieuse à la faune et la flore.

Une biodiversité remarquable et méconnue

Loin des foules, la vallée cache un patrimoine naturel d’exception, reconnu depuis plusieurs décennies.

  • Faune : Le Blavet abrite au moins 100 espèces d’oiseaux recensées : râle d’eau, martin-pêcheur, héron cendré, mais aussi le rare faucon hobereau, l’engoulevent d’Europe (une espèce nocturne protégée), ou encore la loutre d’Europe, en expansion discrète dans le Morbihan après des décennies d’absence (source : Bretagne Vivante).
  • Flore : Sur les bords du Blavet, s’étendent des prairies inondables couvertes de joncs, lysimaques ou populages des marais, tandis que sur les coteaux prospèrent des chênes sessiles, houx et aubépines enchevêtrés. Plusieurs orchidées sauvages (Orchis bouc, Orchis tacheté) sont signalées dans certains secteurs (source : Atlas de la Biodiversité du Morbihan), témoins d’un sol préservé.
  • Poissons migrateurs : L’anguille, mais aussi le saumon atlantique, effectuent un incroyable voyage depuis la mer pour remonter le Blavet, malgré les obstacles liés aux barrages ou à l’urbanisation.

Un refuge pour les espèces protégées

La vallée du Blavet rassemble plusieurs espaces inscrits à la trame verte et bleue du territoire français (source : Ministère de la Transition Écologique). Plusieurs de ses tronçons sont classés en zones Natura 2000, pour protéger les habitats de la loutre, des chauves-souris ou encore du triton crêté, une espèce d’amphibien très rare en Bretagne.

  1. Le secteur de Saint-Barthélemy à Pont-Augan est particulièrement riche en espèces, avec au moins 15 espèces protégées d’oiseaux nicheurs identifiées (enquête LPO Morbihan, 2023).
  2. La présence de la cistude d’Europe (tortue aquatique protégée en France) a été confirmée ces dernières années, preuve discrète d’une eau de qualité et d’un habitat non perturbé.
  3. Les zones humides de la basse vallée hébergent ponctuellement des colonies de crapaud calamite, une espèce patrimoniale menacée.

Équilibre eau, terre et homme : un lien indissociable

Si la vallée du Blavet est un refuge naturel, c’est aussi un terroir vivant. Ce rapport entre écologie et activités humaines est subtil et en perpétuelle réinvention.

  • Agriculture : Les prairies alluviales traditionnelles « de fauche » permettent la survie de nombreuses espèces, pour peu que l’on évite pesticides et drainage excessif. Plusieurs exploitations des alentours ont reçu le label Agriculture Biologique, garantisant la préservation de la qualité des eaux et des sols.
  • Eau potable : Plus de 150 000 habitants du Morbihan dépendent, directement ou indirectement, de l’eau prélevée sur le bassin du Blavet, pour la consommation ou l’irrigation (source : Eau du Morbihan).
  • Activités de loisirs : La vallée attire kayakistes, randonneurs et pêcheurs ; une manne touristique bénéfique, mais qui demande une gestion durable pour protéger les berges et les habitats (balises, interdictions ponctuelles, sentiers fléchés…).

Pourquoi protéger la vallée du Blavet aujourd’hui ?

La pression sur l’écosystème du Blavet augmente année après année. Plusieurs menaces concrètes sont à prendre en compte :

  • Pollutions diffuses : Rejets agricoles, lessivage des sols, résidus de pesticides mais aussi apports urbains… Chaque année, le Syndicat du bassin du Blavet relaie une augmentation ponctuelle des taux d’azote et de phosphates sur certains tronçons, déséquilibrant les écosystèmes aquatiques.
  • Fragmentation des milieux : La multiplication des infrastructures (routes, ponts, zones artisanales) peut couper la circulation des espèces. Des dispositifs de « passes à poissons » ont vu le jour pour restaurer les circulations naturelles dans la traversée des barrages (source : Agence de l’eau Loire-Bretagne).
  • Espèces invasives : Le ragondin, la jussie ou la renouée du Japon bousculent les équilibres locaux. Par exemple, le secteur aval du Blavet subit une extension forte de la jussie, redoutée pour sa capacité à coloniser et asphyxier les zones humides.
  • Changement climatique : D’après le GIEC Bretagne, la fréquence des épisodes de sécheresse ou de crue s’intensifie, mettant à mal la faune migratrice et perturbant l’équilibre des milieux.

Initiatives locales et leviers d’action

Face à ces enjeux, des acteurs locaux s’organisent pour préserver la vallée :

  • Des campagnes de renaturation des berges sont menées, avec replantation de végétation rivulaire, pour limiter l’érosion et offrir des abris à la faune.
  • Plusieurs programmes pédagogiques à destination des écoles et du grand public sont organisés : expositions, chantiers de découverte, “Sentiers de la Loutre” à Inguiniel et Saint-Barthélemy (programmés chaque année en mai, avec Bretagne Vivante).
  • Un « Plan de Gestion du Bassin du Blavet » associe collectivités, agriculteurs et associations pour coordonner les actions sur l’eau et les milieux : lutte contre les pollutions, inventaires naturalistes, suivi annuel de la qualité de l’eau, restauration de zones humides.

À signaler aussi : la méthode de “fauche tardive” adoptée sur plusieurs communes (Saint-Barthélemy, Languidic) pour préserver les insectes pendant la floraison, ou encore les opérations de nettoyage coordonnées en automne le long des sentiers et du chemin de halage.

Des paysages façonnés par la nature… et la main de l’homme

Le charme de la vallée du Blavet, c’est aussi cette harmonie entre écosystèmes naturels et paysages cultivés. Depuis le XIXe siècle, les « talus » – ces murets de terre recouverts de chênes, de noisetiers ou d’aubépines – protègent les cultures et servent d’abris à toute une petite faune. Autrefois, le batroflower (le transport des vaches à la nage), ou la coupe des saules pour les clôtures et le tressage, participaient à la mosaïque d’habitats.

Aujourd’hui encore, la diversité des paysages (prairies ouvertes, forêts, bocage, tourbières, grèves) permet la cohabitation de très nombreux insectes auxiliaires, favorisant naturellement la pollinisation. Les “franges” boisées et les mares temporaires sont des réservoirs pour les amphibiens et les papillons.

Une valeur patrimoniale au-delà de la nature

Protéger la vallée du Blavet, c’est aussi sauvegarder un patrimoine vivant : chants traditionnels, légendes, vestiges mégalithiques et croix de chemins jalonnent ses rives, souvent en lien avec les cycles de l’eau et des saisons. Les maraîchers et fromagers locaux perpétuent un savoir-faire respectueux, contribuant à faire vivre une économie rurale à taille humaine.

Les paysages du Blavet inspirent aquarellistes, photographes, randonneurs — tous sensibles à la lumière si particulière qui danse sur l’eau et les prairies, à la brume des matins d’automne, ou à l’ombre portée des vieux hêtres.

Perspectives pour demain : agir ensemble pour la vallée

La vallée du Blavet reste un cœur battant pour le Morbihan. Son équilibre dépend aujourd’hui des choix de gestion, et de la capacité de tous, habitants, promeneurs ou décideurs, à regarder un peu plus loin que la simple beauté des paysages.

  • Respecter les sentiers balisés, limiter le piétinement des zones humides fragiles et ramasser ses déchets peuvent paraître des gestes simples ; ils sont essentiels pour ne pas perturber cette biodiversité unique.
  • Les initiatives citoyennes, chaque printemps, pour nettoyer les berges ou participer à des inventaires naturalistes, sont une manière concrète d’agir et de comprendre toute la richesse de cette vallée.
  • Enfin, en privilégiant les producteurs locaux engagés dans une démarche respectueuse de l’environnement, chacun contribue aussi à la préservation de ce patrimoine commun.

Que la vallée du Blavet continue longtemps de faire battre le cœur de son territoire, à la croisée des chemins de nature et de culture.

Sources :

Pour aller plus loin