14/07/2025

Plongée dans le Moyen Âge à Saint-Barthélemy : ces vestiges qui racontent l’histoire

Le contexte : Saint-Barthélemy au Moyen Âge

Avant de lever les yeux sur chaque pierre, il est utile de resituer la commune dans son histoire. Saint-Barthélemy n’est pas née au Moyen Âge, mais prend forme en tant que paroisse à cette période, autour du premier millénaire. La région se structure alors autour de l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys, des grands fiefs voisins (notamment Pontivy), et subit à la fois les influences bretonnes et franques. Au Moyen Âge, le territoire actuel est marqué par une organisation rurale : hameaux, exploitations agricoles, réseaux de chemins, quelques points de rassemblement religieux. Les documents d’archives sont fragments, mais plusieurs éléments notables traversent les siècles.

Chapelles et églises : cœurs battants du patrimoine médiéval

Lorsque l’on cherche les traces médiévales à Saint-Barthélemy, l’évidence saute aux yeux : l’église paroissiale, mais aussi les chapelles alentour, sont les premiers témoignages matériels des siècles passés.

L’église Saint-Barthélemy

  • Fondations médiévales : si l’église visible aujourd’hui mélange les styles (XVIIIe, remaniée au XXe siècle), ses origines remontent au XIIe siècle. Des bases du chœur, notamment, garderaient la mémoire des premiers bâtisseurs. Ces pierres grossièrement taillées, reconnaissables à leur appareil irrégulier, sont typiques des constructions romanes rurales.
  • Des éléments anciens intégrés : dans le porche, il est possible de repérer des fragments de modillons réemployés ; ces petites sculptures servaient à l’origine à soutenir la corniche du chœur initial (source : Patrimoine.bzh).
  • Le cimetière paroissial, témoin de l’implantation médiévale : autour de l’église, l’actuel cimetière conserve une organisation qui reprend grosso modo le tracé initial. La tradition du cimetière attenant, typique des paroisses médiévales, perdure ici : on y observe l’alignement de tombes sur le côté est, dit « le côté des enfants ».

La chapelle Saint-Fiacre

  • Située au nord du bourg, la chapelle Saint-Fiacre, reconstruite aux XVIe-XVIIe siècles, présente des vestiges bien plus anciens. Son implantation sur une source, fréquentée dès le Moyen Âge (voire avant), en fait l’un des sites de christianisation rurale typique du bas Moyen Âge breton.
  • Le granit des murs et l’unique porte en arc brisé prouvent l’origine ancienne du lieu. Une croix de pierre voisine, datée du Moyen Âge tardif, souligne la présence de lieux de dévotion hors du bourg principal.

Manoirs et maisons-fortes : les demeures seigneuriales dans le paysage

Saint-Barthélemy n’a jamais eu de château imposant, mais le territoire était composé de petits fiefs. Certains vestiges de maisons fortes subsistent encore, mêlés aux constructions agricoles réaménagées.

  • Le manoir de Kergohanne : aujourd’hui moulin, il conserve une partie de l’ancienne tour résidentielle (fin Moyen Âge), identifiable à la base par ses ouvertures étroites en meurtrières et ses épais murs remontant parfois à plus d’un mètre cinquante.
  • Le domaine de Kerhervé : déjà signalé dans les recensements du XVe siècle, ce site a gardé une aile gothique (arc en plein cintre, linteaux sculptés simplement) et plusieurs traces dans les dépendances, comme des écuelles à grains taillées à même la pierre.

La plupart de ces sites ne sont aujourd’hui observables que de l’extérieur. Une étude menée par l’association d’histoire locale (source : Le Pays de Rohan) recense au moins cinq structures manariales ayant conservé traces de douves ou bases de murs, bien intégrées aux exploitations d’aujourd’hui.

Chemins et routes anciennes : l’empreinte des déplacements médiévaux

Marcher à Saint-Barthélemy, c’est souvent longer un talus, traverser un vieux pont, arpenter une route encaissée. Beaucoup de ces tracés remontent loin, au-delà du XVIIe siècle. Les chemins « creux », si typiques, sont un héritage du Moyen Âge, période où la terre était déplacée pour faciliter le passage des charrettes et délimiter les parcelles.

  • Les chemins de baronnie : selon les cartes anciennes (source : carte de Cassini), on repère des axes reliant Saint-Barthélemy à Pontivy et Locminé. Ces routes commerciales, toujours visibles dans la topographie actuelle, servaient dès le XIVe siècle aux échanges de grains et de vin.
  • Le “chemin du Four à Ban” : nommé ainsi car il menait au four banal, il traverse le hameau de Kermarec. Certains tronçons se distinguent encore par leurs pierres dressées, servant de limite et de support pour les haies, dispositif hérité de l’organisation seigneuriale médiévale.

Un relevé effectué lors du projet de sentier communal en 2022 (source : mairie de Saint-Barthélemy) a dénombré près de 8 km de chemins identifiés comme “pré-modernes”, aux talus anciens, où l’on retrouve parfois des bornes portant encore des marques médiévales.

Puits, lavoirs et fontaines : l’eau, patrimoine du quotidien

Un autre regard sur le patrimoine médiéval s’impose en observant les points d’eau. Puits à margelle ancienne, fontaines, lavoirs… Même refaits au fil des siècles, beaucoup de ces équipements reprennent le site, l’orientation, voire des éléments en place depuis la fin du Moyen Âge.

  • Un alignement de puits à Kerdréan et Kerbiliic : certains sont datés (source : étude service patrimoine Région Bretagne), et présentent une maçonnerie qui remonte au XIVe siècle. Leur disposition répondait à la logique des anciens regroupements paysans, chaque hameau disposant de son point d’eau partagé, signe d’une organisation médiévale de l’espace rural.
  • La fontaine Saint-Fiacre : restaurée mais déjà mentionnée en 1473, elle jouait un rôle de purification lors des pardons, fête encore populaire aujourd’hui. Le site est un repère dans la toponymie et la mémoire locale, continuant une pratique médiévale séculaire (source : Littoral Bretagne).
  • Les lavoirs de Kergoff : bien qu’aménagés plus tard, ils sont à l’emplacement de “douets” (petits ruisseaux) qui apparaissent dans des textes du XVe siècle.

Discrets mais présents : croix et bornes anciennes

En parcourant les alentours, il n’est pas rare de tomber sur une croix de pierre, parfois moussue, parfois refaite mais posée sur un socle visiblement plus ancien. Ces petits monuments scandent l’espace rural médiéval, marquant généralement des carrefours, lieux de procession ou limites de fiefs.

  • La croix de Kergohon : soubassement en pierre grossière, tige en granite à l’usure prononcée, elle remonterait selon la tradition orale au XVe siècle. Son emplacement, en bord de route et à proximité d’un ancien carrefour, témoigne encore du maillage religieux de la paroisse médiévale.
  • Des bornes le long du ruisseau du “Grand Fossé” : les archéologues locaux ont relevé plusieurs pierres gravées de croix ou de signes (datables du bas Moyen Âge), indiquant des limites territoriales anciennes.

Documents et archives : l’histoire passée à la loupe

Toutes ces traces seraient muettes sans les collectages menés depuis plus d’un siècle, que ce soit par les archivistes, les érudits locaux ou les associations patrimoniales.

  • Le cartulaire de Redon mentionne déjà “Sanctus Bartholomeus” vers l’an 1100, évoquant la présence d’un “oratoire rural”, première trace officielle de la paroisse.
  • Les registres de feux du XVe siècle (recensements à vocation fiscale) listent 18 “feux” (foyers), preuve d’un peuplement modeste mais bien installé.
  • Dans les aveux de la seigneurie de Rohan, on repère plusieurs mentions de “terres closes”, des ensembles agricoles défendus ou dotés de haies, typiques de l’habitat groupé du Moyen Âge armoricain.

La tradition orale complète souvent ces documents. Certaines familles possèdent encore des “pouillé”, inventaires terriens qui recensent les parcelles et leurs exploitants dès le XVe siècle. Ces feuillets, parfois transmis de génération en génération, localisent de vieux toponymes médiévaux aujourd’hui disparus.

Le Moyen Âge dans la vie locale : de la tradition à l’actualité

La mémoire du Moyen Âge ne dort pas seulement dans les vieilles pierres. Elle résonne parfois lors des fêtes, pardons, rassemblements de quartiers ou visites guidées, qui permettent de remettre au jour l’histoire de la commune.

  • Le Pardon de Saint-Fiacre, chaque été en août, s’ancre dans une tradition pluriséculaire. De vieux chants y sont repris, certains mots bretons sont datables du Moyen Âge tardif.
  • Depuis 2016, la mairie (source : commune de Saint-Barthélemy) organise des balades contées sur les traces du Moyen Âge : une façon vivante de relier passé et présent.
  • Des expositions de photographies anciennes ou de plans d’archives issus du fonds communal (près de 200 documents numérisés, sur la période la plus ancienne, disponibles sur rendez-vous) permettent à chacun-e de plonger dans cette histoire discrète.

Où voir ces vestiges aujourd’hui ? Carte et conseils pratiques

Certains sites sont visibles librement, d’autres en accès limité lors des Journées du Patrimoine. Voici les principaux points d’intérêt, localisables sur la carte interactive de la commune (Saint-Barthélemy 56 – patrimoine) et sur le sentier des vieilles pierres :

  • Église Saint-Barthélemy : en plein bourg. Visite possible toute l’année.
  • Chapelle Saint-Fiacre : accès libre, près de la fontaine et de la croix.
  • Chemins anciens : circuit balisé de 5 km au départ de la place du Marché.
  • Manoirs et maisons-fortes : visibles de la route. Plusieurs panneaux explicatifs posés par l’association patrimoniale La Marie-Angèle.
  • Puits et lavoirs : notamment à Kerdréan, Kerbiliic et Kergoff.
  • Croix et bornes : recensées sur la carte, certaines en accès direct, d’autres sur propriétés privées (merci de respecter les lieux).

Le Moyen Âge, fil discret mais solide du paysage barthelemois

Par de petits signes, un plan régulier, quelques pierres usées et des chemins anciens, Saint-Barthélemy fait sentir la profondeur de son passé médiéval, même lorsqu’il se fait discret. Ici, tout n’est pas monumental : beaucoup appartient à l’ordinaire, au détail, aux noms de lieu et aux souvenirs confiés. Pour qui prend le temps d’observer, le Moyen Âge ne se vit pas seulement dans les livres ou à travers de grandes ruines spectaculaires – il imprègne le moindre talus, la plus humble margelle, et parfois une fête qui se perpétue encore aujourd’hui. La commune, loin d’être figée, continue de faire de ces vestiges une source d’identité et de curiosité, invitant chaque visiteur ou habitant à marcher dans les traces des siècles passés.

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