10/07/2025

À quoi ressemblait la vie rurale à Saint-Barthélemy dans les années 1800 ?

Un village breton au cœur du XIX siècle

Au XIX siècle, Saint-Barthélemy vivait au rythme de la Bretagne rurale traditionnelle, loin des tumultes des villes et pourtant traversée par l’histoire. Traverser le bourg aujourd’hui avec ses vieilles maisons de granit, ses murets moussus et ses chemins creux, c’est marcher sur les traces de générations d’habitants dont le quotidien était façonné par les saisons, la terre, la famille et la foi. Cet article vous propose une plongée vivante dans un passé pas si lointain, fait de gestes simples et de solidarités fortes.

L’agriculture, centre du village et moteur de la vie

Saint-Barthélemy, comme une grande majorité du Morbihan au XIX siècle, était un village agricole. Le cadastre napoléonien de 1836 montre une majorité de terres labourables, de prairies, de haies compartimentant le paysage, et un habitat dispersé en de nombreux écarts (source : Archives départementales du Morbihan).

  • Polyculteur-éleveur : Les familles pratiquaient une agriculture de subsistance : chaque « métairie » (ferme) élevait quelques vaches, cochons, poules, entretenait un ou deux chevaux pour tirer la charrue ou transporter les récoltes. Les cultures principales étaient le seigle, l’avoine, le sarrasin (« blé noir »), le blé tendre et le lin.
  • Évolution des assolements : Jusque vers 1870, la jachère restait courante. Mais à la faveur des progrès de l’agronomie et de la diffusion de l’engrais (chaux ou « marnage »), l’azote gagne du terrain et la culture du trèfle et de la pomme de terre se développe à la fin du siècle.
  • Les outils : Le travail se faisait essentiellement à la main, avec des outils en bois ou en fer forgé localement. La faux, la houe, la charrue brabant tirée par les chevaux ou bœufs rythmaient le quotidien des champs.
  • La meule et le four : Chaque ferme disposait de son four à pain. Les familles cuisaient une fournée par semaine, immense boule de froment ou de seigle. On en mettait de côté, séché, pour la soupe ou la collation des jours de marché.

Les journées étaient longues, surtout à la belle saison. Hommes, femmes, enfants, et parfois même les aînés, participaient aux semailles, moissons, fauchaisons ou à la fenaison. Les tâches s’organisaient au rythme des fêtes religieuses ou des foires.

Structures familiales : la maisonnée bretonne

Le modèle social dominant était celui de la « grande famille », rassemblant souvent trois générations sous le même toit. Les familles comportaient en moyenne 6 à 8 enfants jusque dans les années 1870 (Source : INSEE historique, Tables décennales de Saint-Barthélemy).

  • La transmission : L’héritage breton reposait sur le principe du partage entre enfants, ce qui morcelait fortement les terres. Très vite, il fallait donc partir en journalier, domestique ou artisan dans une ferme voisine.
  • L’école : Avant la loi Jules Ferry (1882), la majorité des enfants ne fréquentaient pas l’école régulièrement. L’apprentissage passait d’abord par l’imprégnation des gestes et repères transmis dès l’enfance.
  • Le logement : Les maisons étaient basses, à une ou deux pièces principales, construites en pierres du pays, au toit de chaume ou d’ardoise. Un unique foyer servait à la fois à la cuisine, au chauffage, à l’éclairage (source : Percée).

Tout était l’affaire du collectif. Au village, les solidarités ne manquaient pas : travaux communs lors des grands moments agricoles (batteuse, ramassage du lin, fenaison, endiguement des prairies), mais aussi lors des malheurs, comme les incendies ou épidémies.

Religion et traditions : rythmes et croyances

La Bretagne du XIX siècle, et tout autant Saint-Barthélemy, était très attachée à ses traditions religieuses et profanes.

  • La paroisse au centre : Le clocher de l’église paroissiale, reconstruit en 1861, dominait la vie du bourg (source : bulletin communal ). On baptisait, mariait, enterrait à l’église, et toutes les grandes fêtes religieuses rythmaient le calendrier, comme la Saint-Barthélemy le 24 août.
  • Les pardons et processions : Ils rassemblaient toute la commune et parfois les paroisses alentour. On venait prier, se rencontrer, faire la fête. Le pardon donnait lieu à des repas de noces et à des veillées animées.
  • Superstitions et coutumes : Les croyances populaires étaient très fortes : on invoquait parfois les saints pour la guérison du bétail, on croyait aux charmes et protecteurs contre les « mauvaises langues ». La fête des morts donnait lieu à des offrandes posées sur les tombes.

Chant, danse et légendes ponctuaient les veillées d’hiver, autour du feu, tandis qu’on racontait les histoires du pays ou les aventures de « gabiers » partis à Lorient chercher fortune.

Le bourg et ses activités artisanales

Si la majorité des habitants vivaient de la terre, le bourg central de Saint-Barthélemy animait la vie locale grâce à ses artisans et petits commerçants. On recensait, selon les archives communales vers 1850 :

  • Deux boulangers et trois aubergistes : Ils accueillaient les voyageurs, ouvriers de passage et paysans lors des marchés.
  • Un maréchal-ferrant et plusieurs charrons : Leur rôle était clef pour l’entretien des chevaux, outils et chariots de ferme. On venait de tout le canton pour forger un fer ou réparer la roue d’une charrette.
  • Tisserands et sabotiers : Ils assuraient la transformation du lin, la fabrication de sabots en bois, si typiques de la région (distinctif même des écoles jusqu’au début du XX siècle).
  • Un instituteur : Présent de manière irrégulière au cours du siècle, il enseignait le minimum à ceux qui pouvaient s’absenter des tâches agricoles.
Profession Nombre estimé (vers 1850)
Boulanger 2
Aubergiste 3
Maréchal-ferrant 1
Charron 2
Sabotier 2
Instituteur 1

Le marché hebdomadaire se tenait dans le bourg, permettant d’échanger volailles, grains, tissus, outils. C’était aussi un moment de retrouvailles, parfois d’affaires de cœur.

Santé, hygiène et alimentation : réalité d’un quotidien exigeant

Au cours du XIX siècle, l’hygiène et la santé restaient précaires.

  • Mortalité et épidémies : L’espérance de vie atteignait rarement 45 ans avant 1880 (INSEE, Tables décennales). Les grandes peurs étaient le choléra (1832, 1854), la variole, la tuberculose. On utilisait les plantes et remèdes locaux, rarement les médecins, absence de pharmacie avant 1900.
  • Équipement : Peu de puits privés, l’eau provenait surtout des fontaines publiques ou du ruisseau. Pas de sanitaires. La lessive était faite au lavoir ou à la rivière.
  • Alimentation : La base était simple : pain (souvent noir), soupe de chou et lard, pommes de terre. Plus rarement, on tuait le veau ou le porc pour célébrer un événement ou nourrir la famille à la Saint-Martin. Les jours de marché, on trouvait parfois un fromage ou du beurre frais.
  • Habitats humides : Les maisons mal isolées, souvent situées dans le bas du village, favorisaient les rhumatismes et la maladie. Très peu de fenêtres, ce qui laissait peu entrer la lumière et l’air.

Malgré ces difficultés, l’imagination et la débrouillardise étaient reines. Les fêtes et les solidarités locales compensaient le manque, et la communauté tissait un filet de protection et d’entraide face aux aléas du sort.

Évolutions, drames et petites révolutions du siècle

Le XIX siècle n’a pas été qu’une période de traditions inchangées. Saint-Barthélemy, comme toute la Bretagne, a vécu de profondes transformations :

  • L’arrivée du chemin de fer à Pontivy (1864) a modifié la circulation des hommes et des marchandises, rapprochant le village des marchés urbains et des influences extérieures (source : SNCF historique).
  • L’émigration : Dans la seconde moitié du siècle, la pauvreté agricole pousse nombre de jeunes à partir comme journaliers en ville, dockers à Lorient, parfois embarqués pour d’autres horizons. Certains ne reviendront qu’aux grandes fêtes, d’autres enverront de l’argent au pays.
  • Les crises agricoles : Parfois, des années de mauvaises récoltes, comme en 1879 (année « de la pomme de terre pourrie »), ont bouleversé le fragile équilibre alimentaire. La solidarité communale était essentielle pour éviter la famine.
  • Une lente alphabétisation : L’instauration de l’école obligatoire (1882) et la multiplication des écoles de hameau, même modestes, ont accentué la lente évolution vers une société plus instruite.

Si l’on croise rarement la trace d’événements spectaculaires à Saint-Barthélemy, les archives locales livrent parfois des anecdotes : une jument disparue, une ruée sur le nouveau four à pain collectif, ou des protestations contre la taxe sur le sel. Elles rappellent une chose : l’histoire de la commune, c’est aussi celle des petits gestes, des petits conflits, des petites solidarités, inscrites dans les registres ou dans la mémoire des familles (source principale : Archives de la commune de Saint-Barthélemy).

Un héritage discret, des traces encore visibles

Il reste beaucoup de cet héritage rural, même si le paysage s’est transformé. On reconnaît encore les alignements de haies bocagères, les chemins creux, et quelques maisons anciennes avec leur puits, leur grenier à grain. Certains lavoirs, croix ou fours banaux gardent la mémoire de gestes aujourd’hui disparus. Et dans les fêtes du village, la saveur d’un plat, le refrain d’une chanson, la cadence d’une danse bretonne perpétuent une histoire simple, mais forte.

Se pencher sur la vie rurale de Saint-Barthélemy au XIX siècle, c’est mieux comprendre ce qui fait, encore aujourd’hui, la singularité et la chaleur de la commune : le goût du collectif, la mémoire des pierres, et la valeur donnée à chaque saison, chaque rencontre, chaque pas dans la campagne bartholoméenne.

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