08/09/2025
À première vue, le blason d'une commune bretonne peut passer inaperçu, posé sur le fronton de la mairie, glissé sur les papiers officiels, ou esquissé sur le panneau d'entrée du bourg. Pourtant, cet écu coloré a beaucoup à dire. Saint-Barthélemy, commune du Morbihan, n’échappe pas à la règle. Son blason ne fait pas uniquement joli. Il parle de ce territoire et de ses habitants, de leurs racines et de leurs choix.
Comprendre un blason, c’est entrer dans une histoire collective condensée en quelques symboles, couleurs et formes. À Saint-Barthélemy, ce blason puise dans la tradition héraldique, en mettant à l’honneur ses patrimoines religieux et agricoles tout en affichant discrètement ses appartenances territoriales.
Le blason de Saint-Barthélemy (Morbihan) se déploie en plusieurs éléments distinctifs, organisés selon les règles de l’héraldique :
Les représentations détaillées du blason de Saint-Barthélemy proviennent d’ouvrages de référence (Armorial des Communes de France).
En héraldique, chaque couleur est porteuse de messages. Le bleu – ou azur – symbolise à la fois la loyauté, la vérité et la sérénité. Dans la tradition bretonne, il rappelle aussi la mer toute proche et la profondeur du ciel. Pour une commune comme Saint-Barthélemy, entourée de rivières et de prairies humides, ce bleu s’accorde bien avec la géographie et l’atmosphère locale.
Le choix du saint patron au cœur du blason n’est évidemment pas anodin : dans l’ancien monde rural, le saint protège la paroisse et rythme la vie religieuse, avec la fête patronale, les processions et les traditions locales. Saint Barthélemy, souvent représenté tenant un couteau ou sa propre peau – puisque, selon la tradition, il a été écorché vif – devient le gardien du village, tout en rappelant la part de sacré dans la mémoire de la commune. Les représentations varient d’une commune à l’autre, mais la référence reste forte.
La présence de crosses abbatiales dans le blason fait référence à l'influence du clergé sur Saint-Barthélemy, surtout à partir du Moyen Âge. Le territoire a fréquemment appartenu, du moins en partie, à des établissements religieux, qui administraient terres et foi. Ce détail rappelle aussi que le Morbihan compte de nombreux patrimoines monastiques – un héritage que l’on retrouve à la fois dans les monuments et dans la toponymie locale.
On retrouve régulièrement dans les blasons des communes rurales du pays de Baud, dont fait partie Saint-Barthélemy, des gerbes de blé ou de la verdure stylisée. Il s’agit d’un hommage appuyé au rôle de l’agriculture, colonne vertébrale sociale et économique de la commune pendant des siècles. Les vieux recensements témoignent qu’au XIX siècle, près de 90 % des familles dépendaient de la terre, que ce soit comme petits propriétaires, métayers ou journaliers (Source : , A. Marteville et P. Varin).
L’hermine, animal stylisé (petit mammifère blanc à queue noire), est une des marques de fabrique de la région. Elle témoigne de l’appartenance à la Bretagne. Le motif d’hermine noire sur fond blanc a fait son apparition au XIII siècle, lorsqu’il devint l’emblème officiel du duché de Bretagne. Aujourd’hui encore, les hermines ponctuent quantité de blasons bretons, dont celui de Saint-Barthélemy.
Loin de n’être qu’un accessoire héraldique, le blason de Saint-Barthélemy apparaît dans plusieurs espaces publics :
À noter – et c’est une spécificité intéressante – que le blason actuel, bien qu’inspiré d’anciennes armoiries, n’a été officiellement adopté qu’au XX siècle, lors d’un renouveau de l’intérêt pour le patrimoine local, dans le sillage du mouvement bretonnisant.
Le blasonnement communal n’a pas été fixé depuis des siècles, comme à Vannes ou Rennes : il s’agit souvent d’une reconstitution, appuyée par des recherches d’érudits ou des commissions d’histoire locale.
À Saint-Barthélemy, des travaux réalisés dans les années 1970-1980 par le Groupe d’Histoire Locale de Baud ont permis de reconstituer l’iconographie traditionnelle, en croisant les archives paroissiales, les sceaux, et la mémoire orale. Ce travail, salué lors de la grande exposition patrimoniale de 1981, a abouti à la version actuelle du blason, validée lors d’une délibération municipale. Un exemple tout simple de redécouverte des signes d’identité à l’échelle locale.
Le pays de Baud est une petite entité historique à cheval entre la vallée du Blavet et les premières collines intérieures du Morbihan. Il regroupe des communes qui, toutes, affichent des blasons où l’on retrouve des constantes régionales :
Mais chaque commune décline à sa manière ce vocabulaire, selon sa propre histoire. L’étude comparative, menée notamment par A. Chédeville (), montre que la radiation d’un saint sur un blason traduit une volonté de se rattacher à une tradition religieuse forte, tandis que les éléments agricoles évoquent l’enracinement paysan.
Dans un monde où tout change vite, les blasons paraissent parfois désuets. Pourtant, ils agissent comme un trait d’union entre hier et aujourd’hui. Ils rappellent que, derrière les routes, les stades et les maisons, vivent des histoires particulières, avec leur part de fierté locale. À Saint-Barthélemy, le blason devient support d’identité : il permet aux habitants de se reconnaître dans un ensemble, tout en gardant la mémoire du passé et des spécificités de leur village.
L’utilisation contemporaine du blason dans les écoles, lors des événements associatifs ou pour les cadeaux de bienvenue aux nouveaux arrivants montre qu’il reste vivant et incarné. C’est un repère rassurant, un clin d’œil à l’histoire, mais aussi une manière de dire : ici, on appartient à quelque chose de commun, de familier et d’unique à la fois.
Le blason de Saint-Barthélemy, loin d’être un simple logo, traduit l’attachement des habitants à leurs racines. À travers ses signes, il relie générations, patrimoine et territoire – autant de bonnes raisons d’y jeter un œil nouveau lors de votre prochain passage devant la mairie.