17/07/2025
Dans le centre-Bretagne, les légendes jouent depuis toujours un rôle particulier. À Saint-Barthélemy, elles s’enracinent dans les lieux les plus familiers : une fontaine, une pierre levée, le porche d’une chapelle. On les évoque en patois ou en français, chacun selon sa mémoire. Les recueils de l’Abbé François Cadic (fin XIXe siècle) et des collectages plus récents du Dastum (association pour la sauvegarde du patrimoine oral breton) attestent de la vitalité ancienne de cette tradition (Source : Dastum, “La tradition orale en Morbihan”).
Une promenade s’impose vers la fontaine Saint-Barthélemy, située non loin du bourg, à l’ombre d’un bosquet de chênes. C’est ici, d’après les anciens, que l’on venait, jusqu’au début du XX siècle, demander la guérison des fièvres et des maux de tête.
Des collectes réalisées dans les années 1970 recensent encore ces gestes : trois tours autour de la fontaine, puis un souhait prononcé à voix basse. Un geste discret, partagé par une multitude de sanctuaires bretons, mais ici, teinté d’une couleur locale grâce à la statuaire représentant l’apôtre Bartholomé, reconnaissable à son couteau.
Plusieurs familles du bourg évoquent encore le mystère du “souterrain” sous la chapelle Saint-Barthélemy. L’accès en serait désormais bouché, mais il attise l’imagination :
La réalité historique demeure incertaine, mais le récit fait encore parler les enfants qui, les après-midis de printemps, s’aventurent jusqu’aux abords de la vieille chapelle pour tenter d’en deviner l’entrée. Cette légende fait écho à de nombreux souterrains supposés ailleurs en Morbihan, preuve que la peur et l’attirance de l’inconnu connectent Saint-Barthélemy à l’universel.
À travers le bocage bartholoméen, plusieurs “grosses pierres” servent de décor à des histoires rurales héritées du monde paysan :
Dans ce terroir, chaque pierre semble ainsi raconter une histoire. Certains noms de lieux conservent la trace de ces anciens récits : “Ar Groac’h” (la sorcière en breton), “Bastard” (issu d’une légende chevaleresque) ou encore “Pré du Bonhomme” (où un ermite aurait vécu selon Ernest Le Floch, ethnologue, 1967).
Jusqu’aux années 1960, la procession du pardon de Saint-Barthélemy rythmait le mois d’août. Au-delà de la fête religieuse, ces rassemblements cristallisaient mille petites anecdotes transmises de bouche à oreille :
Ces gestes, à la frontière du surnaturel et de la protection, traduisent le besoin d’ancrer une communauté dans ses croyances, loin de la ville et des bouleversements du siècle.
La mémoire collective de Saint-Barthélemy regorge aussi d’histoires moins “fantastiques”, mais tout aussi savoureuses :
Les veillées, autour du feu, ou bien lors des travaux au lavoir communal, étaient le théâtre de contes et de proverbes. On y apprenait :
Dans ce monde où le travail manuel tenait toute la vie sociale, raconter son histoire ou celle de sa famille, c’était aussi affirmer sa place dans la communauté.
Au-delà de l’anecdote, ces légendes et récits portent une mémoire vivante :
Aujourd’hui, alors que la vie moderne nous éloigne petit à petit de ces veillées et paroles partagées, plusieurs associations (La Mémoire de Saint-Barthélemy, Dastum, Mémoire du Morbihan) continuent de collecter photos, paroles et récits, comme autant de passerelles entre les générations. À chacun de tendre l’oreille lors d’une promenade ou d’une fête, il n’est pas rare d’entendre une de ces histoires renaître, avec toujours ce même plaisir un peu complice.