20/09/2025
C’est un fait souvent évoqué mais rarement mesuré : la Bretagne respire au rythme de ses chants et de ses pas. À Saint-Barthélemy, petite commune du Morbihan, la musique et la danse bretonnes se transmettent avec une fidélité qui force l’admiration. Bien plus qu’un folklore, elles sont ici un langage partagé, une manière de tisser du lien. Ce patrimoine ne se contemple pas, il se pratique, dans une ambiance conviviale qui n’exclut ni les nouveaux venus ni les plus jeunes.
La commune compte environ 2 000 habitants (Insee, 2021), mais il n’est pas rare que plusieurs centaines de personnes se retrouvent lors des soirées traditionnelles. Le chiffre a de quoi surprendre, mais il témoigne de la vitalité de cet héritage, transmis de génération en génération, bien au-delà du cercle des « anciens ».
Derrière l’image parfois carte postale de la Bretagne, la danse reste un pilier de la sociabilité villageoise. Elle n’a jamais cessé d'évoluer, à l’image des festoù-noz, ces fêtes nocturnes inscrites depuis 2012 au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO (UNESCO).
Une enquête du Conseil Culturel de Bretagne en 2020 montrait que près de 15 % des Bretons pratiquent régulièrement la danse traditionnelle, ce qui représente plus de 400 000 personnes, loin d’être anecdotique.
Les cercles celtiques jouent un rôle central dans cette transmission. À Saint-Barthélemy, l’association « Dañs ar Vro » anime des ateliers de danse ouverts à tous les âges. Tous les mercredis soir, la salle polyvalente résonne des répétitions, où jeunes et moins jeunes échangent pas, astuces, souvenirs.
Le cercle, fondé en 1987, compte aujourd’hui une cinquantaine de membres, dont un tiers a moins de 25 ans (source : association Dañs ar Vro). La participation intergénérationnelle est encouragée, et plusieurs familles voient trois générations danser ensemble.
Impossible d’évoquer la danse sans parler des musiciens : ils donnent le tempo des soirées et façonnent l’ambiance du village. Le Morbihan compte plus de 200 (musiciens jouant du biniou ou de la bombarde, source : Confédération War ‘l Leur), dont certains animent régulièrement les événements à Saint-Barthélemy.
L’apprentissage se fait de manière formelle (écoles de musique municipales) ou, très souvent, de façon informelle, en famille ou lors de veillées, ce qui permet de maintenir un fort ancrage local.
À Saint-Barthélemy, la musique et la danse ne se limitent pas aux grands événements. Chaque saison propose son lot de rencontres, toutes tailles confondues :
Ces manifestations, toutes organisées bénévolement, contribuent à la notoriété du village et rassemblent des habitants d’origines très diverses. La moitié des nouveaux inscrits aux ateliers viennent de familles installées dans la commune depuis moins de cinq ans.
Le paradoxe de la culture bretonne, c’est qu’elle reste très codifiée tout en accueillant volontiers l’innovation. Depuis quelques années, on assiste à l’apparition de « fest-noz électro » ou de soirées où les instruments modernes côtoient les sonneurs traditionnels. Certaines troupes invitent même les spectateurs à s’initier sur place, rendant la tradition accessible à tous.
Une anecdote locale : lors du fest-noz de 2022, un duo guitare-clarinette a surpris les habitués par ses reprises de morceaux folk arrangés à la bretonne. Pari réussi : la piste de danse n’a jamais désempli.
La transmission orale reste privilégiée, mais l’irruption d’internet et des réseaux sociaux (pages Facebook des cercles, groupes WhatsApp de danseurs) favorise depuis peu les échanges avec d’autres villages ou associations du Morbihan. Les vidéos tournées à Saint-Barthélemy sont vues des centaines de fois au-delà de la commune.
Même si la vitalité des traditions semble solide, certains défis s’annoncent :
La commune s’appuie également sur des acteurs plus institutionnels, comme la Kenleur (la fédération des cercles celtiques de Bretagne), qui propose des formations et encourage des rencontres intergénérationnelles.
Au fil des ans, la musique et la danse bretonnes à Saint-Barthélemy sont passées du rang de tradition confidentielle à celui de trait d’union communautaire, transversal à toutes les générations et origines. Elles sont devenues le fil rouge de l’animation locale, mais aussi le reflet de l’attachement à une identité ouverte.
Les chiffres montrent que la pratique ne faiblit pas, portée par des dizaines de bénévoles et l’enthousiasme des participants. Aux rendez-vous du calendrier comme dans la spontanéité de la vie quotidienne — une gavotte improvisée sur le parvis de l’église, un air de bombarde discrètement répété au détour d’une ruelle — c’est tout le cœur du village qui s’exprime.
À Saint-Barthélemy, la musique et la danse ne sont pas qu’une affaire d’hier. Grâce aux cercles celtiques, aux musiciens passionnés et à l’engagement de tous, elles s’inscrivent dans le présent et s’inventent déjà un futur, fidèle à l’esprit de la commune : discret, accueillant, mais toujours vibrant.