06/09/2025

Pardons et processions : le cœur battant de la communauté à Saint-Barthélemy

Un voyage vivant au rythme des pardons

À Saint-Barthélemy, comme dans beaucoup de communes bretonnes, la tradition des pardons et des processions reste bien vivante. Ici, pas d’immenses foules, mais un attachement solide à ces rendez-vous ancrés dans le calendrier, au point que, chaque année, le mois de mai voit revenir les banderoles colorées et les silhouettes en habits du dimanche autour de la chapelle éponyme.

Mais quel est l’impact réel de ces fêtes religieuses sur la vie locale ? Sont-elles seulement un héritage patrimonial, ou portent-elles toujours une dimension sociale, culturelle, et même identitaire bien vivante ? Découvrons ensemble l’histoire, la réalité, et l’atmosphère si particulière des pardons et processions à Saint-Barthélemy.

Le pardon en Bretagne : une tradition multiséculaire

Le pardon, ce terme qui peut étonner ailleurs, désigne en Bretagne une cérémonie religieuse annuelle, centrée sur le culte d’un saint local et ponctuée d’une procession, de chants, et de moments de partage.

  • Origines : Les premiers pardons remontent souvent au haut Moyen Âge, parfois au XVe ou XVIe siècle. Ils étaient alors des occasions de pèlerinages pour obtenir l’absolution des péchés, mais aussi de demander une protection particulière à un saint. (France Bleu)
  • Déroulé : Messe à la chapelle ou à l’église, procession autour d’un reliquaire ou d’une statue de saint, chants traditionnels (comme le cantique du pardon), bénédiction, puis rassemblements autour d’un repas ou d’une fête.
  • Un tissu d’influences : Si l’origine est chrétienne, les pardons puisent aussi dans des coutumes médiévales, voire païennes. Ils expriment le besoin de se rassembler, de partager, et de transmettre dans un même élan spirituel et communautaire.

Les pardons à Saint-Barthélemy : une tradition encore vivante

À Saint-Barthélemy, le pardon principal se tient chaque année autour de la chapelle Sainte-Barbe, un site qui domine tranquille la vallée du Blavet. L’événement, généralement célébré le week-end le plus proche du 11 juillet (fête de Sainte-Barbe dans le calendrier catholique), attire une centaine de personnes : habitants de la commune, voisins des villages alentours, et quelques curieux.

  • La procession, moment clé : À la sortie de la messe, la statue de sainte Barbe est transportée à bras d’hommes autour de la chapelle, suivie par une file de paroissiens plus ou moins fervents, chacun portant son cierge où une brassée d’hortensias.
  • Des détails marquants : La cloche de la chapelle est entre les mains d’un villageois, le chemin se fait lentement, les enfants courent devant, tandis que les aînés murmurent des souvenirs des processions d’autrefois. L’ambiance, solennelle mais sans ostentation, donne à ce moment une valeur de “repère” collectif.
  • L’après-procession : Un verre de cidre ou une part de kouign amann partagée sous la tente, face à la vallée. Ici, c’est aussi cela, le pardon : retrouver ses voisins, prendre des nouvelles, accueillir les nouveaux, marquer un passage du temps ensemble.

Les processions : entre spiritualité, paysage et lien social

À la différence des messes régulières, la procession sort du cadre du bâtiment religieux. Elle traverse le bourg, parfois les champs alentour, rappellant que la foi et la communauté vivent aussi dehors, dans le paysage quotidien.

  • Un paysage en partage : La procession suit un itinéraire précis : elle longe la route de Kerho, serpente devant la fontaine, et s’arrête aussi à l’oratoire, petit sanctuaire souvent fleuri à cette occasion. Ce parcours s’enracine dans la géographie locale, reliant la communauté à son terroir.
  • Transmission des savoirs : Pour nombre d’enfants ou de nouveaux arrivants, participer au pardon est une première découverte de l’histoire locale : symboles, chants, gestes – tout se transmet dans l’instant, à travers la pratique.
  • Une solidarité discrète : On y croise souvent les élus communaux, les bénévoles de l’association de sauvegarde de la chapelle, actifs toute l’année mais mis à l’honneur à cette date. C’est aussi le moment où s’expriment des solidarités concrètes : collecte pour les restaurations, rôles pour la mise en place, invitations à rejoindre l’équipe de nettoyage ou de préparation du site.

Fête du pardon : retombées culturelles et économiques

Au-delà de sa dimension religieuse, le pardon génère un “mini-événement” dans le calendrier local, capable d’attirer des visiteurs extérieurs – y compris des familles ou des vacanciers.

  • Dynamique associative : La préparation du pardon mobilise près de 20 bénévoles chaque année sur Saint-Barthélemy, pour nettoyer le site, préparer fleurs, tentes et buvette. (Source : témoignages Association des amis de Sainte-Barbe, 2022)
  • Effet d’entraînement : Certains commerçants constatent un surcroît de passage ce week-end-là, notamment à la boulangerie du centre-bourg. L’auberge locale propose aussi chaque année son “menu du pardon”, avec far breton et cidre à l’honneur.
  • Valorisation du patrimoine : Depuis qu’existe la buvette du pardon (environ 2008), les bénéfices sont reversés au fonds de restauration de la chapelle. Ce mode de financement a récemment permis, en 2022, la réfection du vitrail sud et l’entretien de la toiture.

C’est donc bien un événement qui concilie tradition, convivialité, et utilité concrète pour la commune.

Moments forts, anecdotes et images d’un pardon bartélémitain

  • Rituel de l’eau : Avant la procession, il n’est pas rare que quelques habitants fassent un détour jusqu’à la fontaine Sainte-Barbe. Selon la tradition locale, “prendre l’eau” apporterait bonheur et protection pour l’année. Cette coutume, mentionnée par Albert Poulain dans ses ouvrages sur les traditions du Morbihan, reste discrètement pratiquée.
  • Un pardon sans grand-messe : À Saint-Barthélemy, il n’y a pas de pardon majeur rassemblant des milliers de personnes comme à Sainte-Anne-d’Auray (30 000 fidèles chaque année, source Sanctuaire Sainte-Anne). Ici, le pardon se vit plus intimement : on se reconnaît, on échange des nouvelles, parfois on improvise un chant en breton.
  • Des souvenirs en images : Les albums photos familiaux regorgent de clichés du pardon : enfants encadrant la statue, nappes blanches alignées sous la tonnelle, vieux tracteur décoré de gerbes pour porter les plus âgés sur le parcours. Avant l’ère du numérique, ce sont ces instants qui rythmaient le récit de la vie villageoise.

Pourquoi les pardons et processions restent-ils importants aujourd’hui ?

À l’heure où beaucoup de traditions semblent s’essouffler, la perpétuation du pardon à Saint-Barthélemy témoigne d’un attachement à la fois discret et profond à la vie du village. Voici quelques raisons majeures :

  1. Une célébration de l’histoire locale : Le pardon permet de garder un lien vivant avec les générations précédentes – rappelant que la chapelle, les chemins, les chants ont une histoire et une mémoire à transmettre.
  2. Un outil d’intégration : Pour les nouveaux habitants, participer, même timidement, au pardon, c’est s’ouvrir à la communauté, apprivoiser les codes locaux.
  3. Un moment de cohésion : Le pardon rassemble au-delà des convictions : croyants, agnostiques, curieux – tous peuvent se retrouver autour d’un verre et d’une part de gâteau. C’est la force de ces “petits événements” d’être, avant tout, des “liants” sociaux.
  4. Un levier pour le patrimoine : Chaque édition soutient, par sa convivialité et ses recettes, la restauration des petites chapelles et fontaines qui font le charme de la commune.

La place des pardons demain : défis et promesses

La tradition du pardon ne va pas sans défis : vie associative sous pression, évolution des pratiques religieuses, concurrence d’autres temps forts (marchés, festivals…). Mais la simplicité de ce rendez-vous, son ancrage dans le quotidien, expliquent aussi sa résilience.

  • Volontaires recherchés : Comme partout, la transmission passe par l’engagement : jeunes ou nouveaux venus sont régulièrement invités à “mettre la main à la pâte”, que ce soit pour fleurir la chapelle, porter la statue, ou simplement préparer le café.
  • Évolutions possibles : Plusieurs villages voisins, comme Pluméliau ou Bieuzy, ont su renouveler leur pardon – en invitant chorales, en organisant un marché de producteurs, ou des expositions de photographies anciennes. Cela montre que les pardons gardent une capacité d’adaptation, pourvu que leur esprit demeure.

L’esprit des pardons, une boussole dans la vie locale

À Saint-Barthélemy, les pardons et processions pourraient sembler des vestiges immobiles. Pourtant, chaque année, ils rassemblent, étonnent, réunissent, au-delà du religieux. Entre partage intergénérationnel, valorisation du patrimoine, et goût de la rencontre, ils demeurent un temps fort de la vie locale. Participer au pardon, c’est goûter un peu de l’âme du village, et garder le fil d’une tradition qui n’a rien perdu de sa justesse : celle qui relie et fait tenir debout une communauté, tout simplement.

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