12/11/2025
Le circuit de Kersuguet, balisé sur un peu plus de 8,2 kilomètres (source : Commune de Saint-Barthélemy, panneau d’information sur site), serpente dans le sud du bourg, puis remonte vers l’ouest en longeant prairies ouvertes, petits bois et ruisseaux. L’ensemble du parcours présente un dénivelé positif d’environ 110 mètres, ce qui en fait l’un des circuits les plus « accidentés » de la commune, toute proportion gardée.
Le relief de Saint-Barthélemy se caractérise par des altitudes modestes, oscillant entre 44 mètres au plus bas (proche de la rivière Evel) et 123 mètres au point le plus élevé (butte des landes de Kersuguet, relevé IGN à la carte 0718E Baud). Sur le circuit, plusieurs points hauts ponctuent la promenade et révèlent, sur quelques dizaines de mètres, des changements de perspective parfois insoupçonnés lorsqu’on traverse la commune en voiture.
Située à peine après le second kilomètre, en approche depuis le sud via le chemin creux de Penher, la butte de Kersuguet (environ 118 mètres selon le référentiel IGN) marque le point le plus haut du circuit. Elle offre une vue élargie sur une bonne partie de la commune et, les jours où l’air est limpide, permet d’apercevoir la silhouette du bourg de Pluméliau à l’ouest, et même – par temps exceptionnel – le clocher de la chapelle Saint-Nicodème au sud.
Au sommet, un gros bloc de quartzite affleure à la surface. Selon certains anciens du village, ce rocher aurait longtemps servi de repère aux agriculteurs, et une pierre à cupule était encore visible jusqu’aux années 1960. Les enfants y montaient pour guetter les charrettes arrivant du bourg (« témoignage oral, famille Le Guen, archives personnelles »).
Aujourd’hui, rien n’entrave le regard. La prairie qui entoure le sommet est exploitée au printemps par les brebis d’un éleveur voisin. C’est un endroit paisible, rarement fréquenté. Parfait pour une pause sandwich ou un petit dessin de paysage, à l’abri d’un vieux chêne.
Un peu plus loin, le sentier plonge vers un vallon humide, puis remonte en lacets légers jusqu’à une crête boisée plantée de vieux châtaigniers. Ce secteur, connu sous le nom de « Tal ar C’hazh » sur le cadastre napoléonien (source : « Cadastre français, section C »), culmine à 113 mètres.
Ici, l’horizon s’ouvre brièvement, entre les branches, sur la vallée de l’Evel côté nord. La remontée sur cette portion demande un petit effort, mais la sente y est toujours fraîche, même en été, grâce aux arbres centenaires. Des oiseaux se laissent souvent surprendre : geais, mésanges, voire une buse postée sur un poteau de clôture. C’est aussi là que se trouvent, sous la brume du matin, les plus beaux toiles de rosée en septembre.
Au sortir du bois, le circuit grimpe à nouveau pour atteindre le plateau de la lande de Kerven, cotée 115 mètres. Cette zone, aujourd’hui couverte de jeunes pins et de bruyères, recèle dans sa partie ouest les vestiges très effacés d’un petit cairn. Les spécialistes locaux (et les membres de la Société d’Archéologie du Morbihan) y voient les traces d’une sépulture protohistorique, commune dans le centre Bretagne (voir bulletin SAM 1997).
Il faut quitter brièvement le tracé principal pour repérer une butte peu marquée, envahie de fougères. Là, à même le sol, les amateurs d’histoire locale pourront deviner trois ou quatre grosses pierres alignées. Aucune signalétique ne mentionne cet ancien monument, mais quelques passionnés laissent parfois un petit galet sur la pierre supérieure, dans la tradition du « passage » (transmise oralement).
Montagnes en miniature du Pays de Baud, ces buttes offrent bien plus que quelques mètres de plus à gravir. Elles sont riches en biodiversité, en histoire, et servent de points de repère depuis des générations.
Pour qui sait regarder, chaque sommet raconte une histoire : celle des défrichements anciens, de l’élevage, parfois même de la Résistance, car certains replis de terrain auraient servi de cachette en 1944 (récit oral, famille Le Ster, écrit dans « Saint-Barthélemy autrefois », édité par la commune en 2002).
Depuis trois ans, un couple de faucons crécerelle niche régulièrement dans la haie surplombant le vallon (observé par plusieurs randonneurs, printemps 2022-2024). Le matin, il n’est pas rare d’apercevoir aussi un chevreuil traversant les prairies à hauteur de la butte.
Au détour du chemin, dans la montée vers Kersuguet, une croix en bois discret signale l’emplacement d’un ancien « reposoir » utilisé lors des processions paroissiales d’antan, notamment à Pentecôte. Elle est entretenue chaque année par des habitants du hameau depuis plus de cinquante ans (« Bulletin paroissial Saint-Barthélemy, 2021 »).
On trouve également, à la fin du parcours, sous les châtaigniers du pont du Loc’h, le site d’une ancienne carrière de schiste, partiellement comblée mais encore visible par beau temps grâce à la couleur bleutée de la roche en place.
Le circuit de Kersuguet n’est pas seulement un itinéraire sportif ou touristique – c’est aussi une occasion d’observer comment, dans un coin de Morbihan discret, se mêlent nature préservée, histoire des hommes et plaisir simple des hauteurs. Les points culminants du sentier invitent à ralentir, à porter un autre regard sur nos campagnes, à transmettre la mémoire des lieux.
Traverser Kersuguet, c’est aussi renouer avec la tradition ancienne des « tiez ar c’hlas » (maisons des hauteurs), où les villageois d’hier venaient festoyer à l’occasion des battages ou des patouilles d’automne. Aujourd’hui encore, ces buttes sont le refuge de ceux qui cherchent le silence, la vue, ou tout simplement un peu d’authenticité, loin des sentiers battus du littoral breton.
Le circuit continue d’être rafraîchi et entretenu par les bénévoles et la commune. Au fil des saisons, chaque retour sur les hauteurs de Kersuguet réserve ainsi de petites surprises : floraisons, oiseaux migrateurs, jeux de lumière sur la lande ou mémoire d’un village que l’on redécouvre différemment à chaque passage.